Lorsque sort cet album, je ne suis pas amoureux de Nougaro. J'en suis raide dingue. Pendant quelques années, j'ai souffert de ses virages musicaux qui ne m'apportaient plus ma dose de bonheur, d'émotion et de swing. J'étais en manque.

"Nougayork" et "Pacifique" ont certes remis Claude sur les rails, sans doute au détriment de son public traditionnel qui ne pouvait plus lui donner à bouffer. Les gens comme moi, en somme.
Et puis, en 1993, est venu "Chansongs" avec le magnifique torrent "Vie, violence" et, en 1997, cet Enfant Phare" tout en délicatesse.

Dans la carrière de beaucoup d'artistes, les années 80 ont laissé une trace indélébile. L'époque exigeait un nouveau son, de nouvelles méthodes d'écriture et de production. Le swing a laissé la place au funk. Nul n'a pu y échapper.

Et puis, vers le milieu des années 90, on est retourné à des sons et des compositions plus traditionnels. C'était déjà le cas avec "Chansongs" et c'est encore plus le cas de cet album.

Au regard des participants à ce disque, on se retrouve pantois : Eddy Louiss, Jean-Marie Ecay, Maurice Vander... Excusez du peu.. Je me mets à espérer.

C'est une "banda" bien du sud-ouest qui ouvre le bal. Les cuivres ne sont plus issus d'un DX7 mais sont faits de véritables métal. Ouf. Ça ne swingue pas, mais on retrouve une montée chromatique qui nous ramène aux vieilles compositions du maître. L'écriture est axée sur les jeux de mots, on retrouve ses marques. C'est un retour à l'enfance, aux sources. Pour Nougaro et pour nous.

De jolis titres s'enchaînent ensuite. Le magnifique "Bras dessus, bras dessous", qui parle... d'amour évidemment. Amour, humour et nostalgie... C'est la recette de Nougaro depuis toujours. Il a besoin de l'épaule d'une femme ? Il en parle et c'est touchant. Le macho petit taureau s'est un peu assagi ? Oui, mais il se fait tendre.

"La rivière des Corbières" est joliment nostalgique et semble tournoyer comme un véritable cours d'eau. On retrouve un peu de cette atmosphère dans "Beaucoup de vent". "Les pas" est joliment articulé comme une bossa pleine de tendresse qui vous donne des frissons.
L'unité des morceaux se fait par l'utilisation répétée de la guitare, classique notamment (Don Quichotte et Sancho). Ça sonne moins jazz que le piano de Vander, certes. Mais c'est tout de même bien exécuté et bien joli. Cela s'explique en grade partie par la présence de Jean-Marie Ecay, guitariste compositeur de renom.

Le Nougaro traditionnel revient dans un exercice de style qui lui va à ravir, la reprise avec ses propres mots de morceaux jazz ou de pièces traditionnelles : "Avec les anges" de Marguerite Monnot est un magnifique plaidoyer à l'amour, emprunt d'énergie de l'espoir. Et, comme souvent avec Nougaro (album "Récréation"), la reprise dépasse largement l'original. C'es magnifique.

Le reste de l'album est plus anecdotique, voyageant toujours entre humour (Le Montblanc dans la neige) et la nostalgie (Le rocher de Biarritz). Cependant, le contrat est rempli. Sans égaler les chefs d'œuvre des années 60-70, cet "Enfant Phare", plein d'amour, d'humour et de nostalgie est bien un album du "vrai" Claude Nougaro : il a d'ailleurs reçu le Grand Prix du Disque de l’Académie Charles-Cros en 1999.

A écouter en priorité : Les pas, Bras dessus, bras dessous

Meilleur titre : Avec les anges

SherlockBlancSec
7

Créée

le 4 mai 2020

Critique lue 424 fois

1 j'aime

1 commentaire

Critique lue 424 fois

1
1

D'autres avis sur L’Enfant phare

Du même critique

Léo Ferré chante Baudelaire
SherlockBlancSec
10

La musique souvent me prend comme une mer

Sorti en 1967 pour le centenaire de la mort de Charles Baudelaire, ce double-album réussit le tour de force de mettre brillamment en musique l'un des plus grands poètes de tous les temps. Vous...

le 16 juin 2021

2 j'aime

Tres hombres
SherlockBlancSec
8

On dirait le sud

Le trio sort son troisième album en 73. Il s'appelle presque évidemment "Tres Hombres" et sera certifié disque d'or aux USA et au Canada. Il reste selon moi, l'un des 3 (héhé) meilleurs albums du...

le 26 avr. 2020

2 j'aime

Andromeda Heights
SherlockBlancSec
9

Comme dans un rêve...

Le 6e album studio de Prefab Sprout, à l'image de sa belle pochette, est un rêve éthéré, un concept-album dont on ne peut extraire vraiment un titre. C'est une suite logique à "Jordan the Comeback"...

le 2 sept. 2021

1 j'aime