Pendant assez (trop) longtemps, j'ai méprisé le travail de Hans Zimmer, le réduisant de manière bête et méchante à ce qui en émergeait le plus souvent : les gros effets "poooiiiinnnnn" qui dévastaient les tympans, et les thèmes martiaux, type Gladiator ou Pirates des Caraïbes, qui occupaient tout l'espace sonore de leur efficacité écrasante.


Mon opinion a commencé à évoluer grâce à ses partitions pour les Batman de Christopher Nolan - mais, avec toujours une certaine mauvaise foi, j'attribuais ce regain d'intérêt à sa collaboration sur les deux premiers opus avec James Newton Howard, dont j'appréciais beaucoup le travail, notamment avec M. Night Shyamalan (du temps de sa grandeur).

Puis vint Inception. Bruyant, parfois trop, mais nanti de moments grandioses et parfois beaucoup plus subtils que je pouvais l'imaginer. Et en parfaite adéquation avec la virtuosité vertigineuse du film.

Puis vint encore Interstellar. Je ne suis pas un fan absolu du film, dont le fin continue à me laisser perplexe, même après plusieurs visionnages. Mais sa musique est absolument sublime, de bout en bout - et reste à ce jour ma B.O. préférée de Zimmer.


Puis vint, finalement, ce livre à Prague. Découvert sur Netflix, où il était diffusé alors. Une véritable claque. Non, une bonne dérouillée, plutôt. Dans les règles de l'art. Crochets, uppercuts, coups au foie et directs en pleine tronche, de la première à la dernière note.

Réorchestrés pour une formation mêlant un orchestre classique, des choristes et un groupe immense composé de guitaristes, bassiste, synthétistes, batteur, percussionnistes en tous genres et multi-instrumentistes surdoués, les thèmes les plus connus prennent soudain une dimension à la fois épique - le son est monumental -, ludique et joyeuse ; sur les images, on jubile à admirer le plaisir communicatif que partagent les musiciens à jouer ainsi ensemble, en ayant tous leur mot à dire et leur pupitre à faire chanter, alors même qu'ils sont plus d'une centaine sur scène. Les suites tirées des bandes originales de Gladiator, Pirates des Caraïbes, The Dark Knight, Interstellar, Inception ou Le Roi Lion sont imparables, ménageant des transitions raffinées entre les moments énormes et des mélodies plus douces, plus subtiles ou plus émouvantes. Et que dire de l'ébouriffant medley d'ouverture, qui enchaîne à la perfection les thèmes sautillants de Miss Daisy et son chauffeur, Sherlock Holmes et Madagascar en révélant peu à peu les différents étages de la formation musicale ? Une entrée en matière enthousiasmante pour un spectacle qui ne baisse jamais en intensité jusqu'à la fin.

La tracklist passe pourtant par des titres moins connus (Crimson Tide), moins évidents (Da Vinci Code, "Journey To The Line" de The Thin Red Line) ou plus anciens (Rain Man, True Romance), tout en mettant en valeur des pièces ("What Are You Going to Do When You Are Not Saving the World ?" tiré de Man of Steel) qui trouvent leur juste place dans l'enchaînement des morceaux, des atmosphères et des rythmes.


Ce qui me plaît beaucoup, en outre, c'est de voir Hans Zimmer en personne au milieu des musiciens, assumant le côté "pop music" de sa formation hybride dont il joue le rôle de chef de meute plutôt que de chef d'orchestre. Pas question pour lui de tourner le dos au public et de diriger son petit monde à la baguette. Chacun sait ce qu'il a à faire, et Zimmer est là pour prendre sa part parmi les siens, instrumentiste parmi les autres, pas forcément toujours soliste, s'effaçant volontiers pour faire briller Richard Harvey, vieux compagnon de route et multi-instrumentiste brillant dont l'oeil malicieux quête souvent la complicité du public, les guitaristes Guthrie Govan ou Johnny Marr, la bassiste Yolanda Charles, le génial batteur Satnam Ramgotra, la chanteuse Czarina Russell (dont la voix chaude rend justice au sublime thème final de Gladiator), et tous les autres.


Bref, même si j'avais commencé à changer d'avis sur Hans Zimmer depuis quelque temps, ce live a été une véritable épiphanie, et je suis désormais avec fidélité les tours et détours de son travail, même s'il ne se renouvelle pas aussi souvent qu'on pourrait le souhaiter, et si son omniprésence à Hollywood a de quoi lasser.

C'est sans doute l'un des disques que j'ai le plus écouté ces dernières années, et je sais que j'y reviendrai toujours avec plaisir. Un incontournable pour les fans et, sans aucun doute, un spectacle juge de paix pour ceux qui, comme moi auparavant, doutaient de l'intérêt du travail de Zimmer.

ElliottSyndrome
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le 26 avr. 2023

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