Deux ans après « Thunder Perfect Mind », pierre angulaire du néofolk, Current 93 est considéré avec Death in June comme la référence absolue du genre. Mais David Tibet n'aime pas les étiquettes, et refuse d'enfermer sa musique dans un genre bien précis – encore que les frontières du néofolk restent labiles à définir … L'effroyable EP « Lucifer over London » est l'occasion de montrer que l'art du groupe est sans limites.

Le morceau-titre s'ouvre sur une citation du riff d'ouverture du « Paranoid » de Black Sabbath, référence tranchant d'ores et déjà avec l'esprit d'un « Thunder Perfect Mind » – bien que Tibet n'ait jamais caché son admiration pour le célébrissime groupe de heavy metal. Bien vite intervient la guitare acoustique de Tibet, et le morceau devient rapidement un hallucinant chant incantatoire. Si le groupe avait toujours excellé dans la musique rituelle, il transcende ici littéralement cette tendance ; la guitare ferme, le mur du son électrique, les chœurs mystiques de John Balance de Coil et surtout le chant halluciné de Tibet (littéralement possédé par le Malin) confèrent au morceau une énergie malsaine inouïe. Puis, au bout de cinq minutes d'invocation intense, la guitare électrique se tait, toutes les cloches de Londres se mettent à tinter, et Tibet et Balance scandent alors inlassablement : « 666 it makes us sick … We're sick sick sick of 666 ! ».

Le second morceau, « Sad-Go-Round » (reprise de The Gondhogs), bien que plus confidentiel, reste de très haute tenue, mettant encore une fois à l'honneur la guitare électrique. Mais c'est avec le troisième et dernier titre que le groupe livre le second chef-d'œuvre de l'EP, soit avec le bien-nommé « The seven Seals are reaveled at the end of Time as seven Bows ». Cette nouvelle vision apocalyptique (au sens littéral de l'Apocalypse de Jean), imaginée comme une suite du texte de Balance ornant la pochette de son « Horse Rotorvator », est conçue comme une lente progression ; à la voix extasiée de Tibet s'ajoute une discrète ritournelle de guitare, puis d'autres sonorités créant une atmosphère éthérée et envoûtante. Au bout de neuf minutes, le thème des dernières secondes du morceau d'ouverture réapparaît, créant instantanément une forme indescriptible de beauté, jamais rencontrée auparavant. Un simple EP aura suffi à montrer les cimes que le groupe est capable d'atteindre.
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le 22 juil. 2014

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