LUX
7.6
LUX

Album de ROSALÍA (2025)

Comme une chaleur dans l'œil froid d'Orphée

Il est dit que le Poème véritable est plus que la parole qui enferme en disant, mais l'intimité respirante, par laquelle le poète se consume pour accroître l'espace et se dissipe rythmiquement : pure brûlure intérieure autour de rien.


« Lux » de Rosalía est ce regard d'Orphée vers le fantôme d'Eurydice.

La nuit ne parle que du jour, elle en est le pressentiment, elle en est la réserve et la profondeur ; lorsque Orphée descend à la Nuit pour ramener son épouse Eurydice, mais la perd à jamais en se retournant pour la regarder avant d'avoir quitté le royaume des morts, c'est là l'extrême sommité que l'art puisse atteindre, elle est, sous le nom qui la dissimule et sous un voile qui la couvre, le point profondément obscur vers lequel l'art, le désir, la mort, la nuit semble tendre. L'œuvre de Rosalía est de la ramener au jour et de lui donner forme, figure et réalité.


Par ce rapport intime, « Lux » est tout à la fois cachée dans la profonde présence du dieu et présente et visible par l'absence du divin. En œuvre les dieux parlent, dans le temple les dieux séjournent, mais l'œuvre est aussi le silence des dieux, elle est l'oracle dans lequel se fait parole mystérieuse ou mutisme des dieux.


Je pensais que Rosalía était encore de ces artistes surfaits, parfaitement à l'aise dans l'austérité proverbiale de la chanson à laquelle je nomme métaphoriquement cela en conjonction lubrique des entéléchies vagabondes. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je me suis heurté à « Lux » ! Il s'avère que je me suis exorbitamment trompé à son sujet.


Que l'art soit une chose vitale et sainte ! Dans l'effroyable « musée de sensations rares » qu'on est convenu d'appeler cette vie, comblée de misères, de deuils, de séides, de catastrophes, de déréliction ; en cette pérambulation du monde, où l'œil du pauvre affamé aperçoit l'iniquité des jocrisses érigés en autorité morale, juridique, paradigmatique ; attirés par la terre originaire dont nos corps furent pétris ; sous les planements des vautours du charnier et des corbeaux de l'élégie, et sentant, avec une angoisse infinie, nos genoux pliés à chaque effort ; – que voulez-vous que nous devenions, nous, malheureux êtres humains, sans cette lueur d’espérance, sans cet arôme subodoré des extases perpétuelles ? Rosalía nous rappelle que nous crevons de la nostalgie de l'Être en ravivant des images oubliées de jadis et naguère.


« Lux » se calfeutre au bruit du monde pour transporter l'immolation absolu d'un cœur dans la déférence parfaite et baroque pour nous faire pleurer et demander pardon des méfaits et des bienfaits, pour les exaltations et les tristesses, pour les battements du cœur et les vibrations de la pensée. La Beauté sauvera le monde, à condition que l'Art soit son martyr afin que nous reconnaissions la soif des âmes suppliantes ne réclamant rien que


« D'être l'agneau sans cris qui donne sa toison » (Paul Verlaine ; « Sagesse » – I, II)

LanaDelKhey
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il y a 3 jours

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