Despo Rutti ("Despo",venant de "Despe" , l’alcool "Desperados" avec lequel il flirte dans sa vingtaine) revient avec un projet qui plonge au cœur de ses blessures et de sa vision du monde.
Contexte :
Né en Afrique et abandonné par son père, il traverse une enfance marquée par la douleur, se convertit d’abord à l’Islam puis au Judaïsme, connaît la psychiatrie et la rue. Dans sa musique, il dialogue régulièrement avec NZAMBI, divinité suprême africaine, et confesse percevoir des hallucinations et des ombres évoquant sa mère peu aimante.
Son univers mêle ésotérisme, violence du passé, poids de l’enfance brisée et folie du monde adulte. Son phrasé cryptique, ses « r » roulés, trahissent un langage à la frontière de la psychose et de la religion. Il dénonce ce qu’il appelle la "France Enstein" et aime se mettre à la place de figures immorales ou criminelles, non pour les excuser, mais pour comprendre la mécanique du mal. Dans "360degré angle mort", il adopte le point de vue de racistes et fascistes, cherchant à analyser le mal plutôt qu’à le justifier.
Sa vérité est brute, rugueuse et parfois difficilement compréhensible, mais toujours à la recherche d’un électrochoc auditif ou visuel. La pochette emblématique "Les Sirènes du Charbon" illustre une expulsion d’une famille africaine par la police, reflet sans filtre de la réalité sociale qu’il scrute.
Majster :
Avec Majster, l’album oscille entre psychose, religion et sexe. Dès l’intro du projet, "Bukowsky", il avoue avoir frôler le crime passionnel envers son ex. Pendant l'enregistrement du projet, la conversion de Despo Rutti de l’Islam au Judaïsme se fait sentir dans la musique : décousue et contradictoire, elle traduit sa confusion mentale et idéologique. Sa frontière entre lucidité et folie est mince : il considérera par exemple le présentateur Arthur comme un ange gardien après que celui-ci l’a suivi sur Twitter, interprétant ce geste comme une manifestation divine.
L’album explore aussi des chemins artistiques inédits. Dans "Le Gendre", il raconte une histoire d’amour au piano, plus léger et narratif. Dans "Jewstice", il confie un traumatisme d’enfance : battu et violé par son oncle à 8 ans. Ces confidences ne visent pas à choquer, mais à tendre un miroir au monde et à faire de la musique un exutoire.
Musicalement inscrit dans la trap de 2015, l’album conserve une fraîcheur surprenante et une puissance évocatrice intacte. On y ressent clairement l’influence de Therapy ou Or Noir, ce qui explique la présence de Kaaris sur le titre "La Dose". On note également les chants maladroits à l’auto-tune timide, notamment dans "Le Diable se trouve dans la merde", un choix esthétique assumé et marquant. Majster restera aussi le dernier album avant qu'il dérive vers idées d'extreme droite, islamophobes et misogynes.