Nectar
7.1
Nectar

Album de Joji (2020)

J'aime beaucoup Joji depuis in tongues que j'avais découvert à sa sortie, et c'était devenu pour moi une de ces musiques qui vous guident pendant une tranche de vie, que vous avez tant écouté qu'elle devient même indissociable de cette période quand vous vous la remémorez...


Après ça, BALLADS1 est arrivé, et autant les singles qui prenaient une direction plus pop lisse et ennuyante m'avaient inquiété (en particulier l'énorme déception de dancing in the dark, que j'avais entendu sur le leak d'un live et dont, à cause de la qualité de son pourri, je m'étais fait une idée complètement différente), autant l'album m'avait vraiment plu dans l'ensemble.


Même chose avec Nectar, les singles me faisaient tous plus peur les uns que les autres (sans parler de cette abomination de Heads in the clouds 2), mais je gardais bon espoir d'y trouver mon compte comme avec l'album d'avant.


L'album sort, je me presse pas, je l'écoute le lendemain. Et là, le soulagement. Parce que Ew est quand même un putain de morceau, rien à redire, c'est une tuerie, son chant est incroyable, la prod est ouf, bref, j'étais content.
Mais


De morceau en morceau, je m'ennuie. Les autres ne sont pas à la hauteur, clairement... Finalement l'album se termine, je commence à paniquer : est-ce que je n'aime plus Joji ?? Je me réécoute in tongues, et, non... J'aime toujours Joji, et même in tongues me paraît encore meilleur à présent...


La pochette déjà aurait du m'alarmer.


Ironique, pour cet album dont le nom est une substance, que ce soit le seul pour lequel la pochette ne joue sur aucune texture ; on n'a plus le grain sombre de BALLADS1, les distorsions aquatique de in tongues, là c'est juste une photo lisse de Joji tout rouge, comme sur une pub pour un parfum.
Et lisse, le son l'est. Où est passé le Joji lofi, celui qui faisait saturer nos basses avec Attention ou qui nous balançait une grosse guitare grésillante dans WHY AM I STILL IN LA à peine un an plus tôt ?


Là, définitivement, on a perdu ce jeu sur les textures des sons. Tout est convenu, attendu ; des sonorités pop, des prods rap/trap, un peu de samples, sauf que tout est terriblement uniforme et convenu (je veux dire y a quand même un son de Diplo sur l'album) ; bref, on a réuni toutes les différentes facettes de Joji, en retirant ce qui faisait son essence (je sauverais Reanimator, seul morceau qui a su vraiment m'émouvoir par son jeu intéressant sur ses sonorités, autant dans la prod que le chant), mais je vais y revenir et préciser ce que j'entends par « son essence ».


La durée de l'album aussi le dessert ; enfin, à vrai dire, non pas sa durée, qui doit être dans la moyenne, mais plutôt la longueur de sa tracklist.
Petit rappel : in tongues : 8 morceaux ; BALLADS1 : 12 morceaux ; Nectar : 18 MORCEAUX.
Et sur ces 18 morceaux, il y en a un seul qui ne dure pas moins de quatre minutes, et il dure... pile poil quatre minutes. Du coup ? Les morceaux ne décollent jamais, et en même temps comment ils pourraient ? Ils n'ont pas le temps. On a un enchaînement de débuts de morceaux très sympa, mais qui ne mènent nulle part.


Si vous voulez, c'est un petit comme si un mec débarquait avec une grosse assiette de bouffe. Vous prenez une bouchée d'un truc, il vous demande si vous aimez, vous dites oui, et il vous dit qu'y en a plus... C'est déjà frustrant une fois, alors au bout de 18 fois vous avez juste envie de le lui faire bouffer son assiette.


Cela dit je suis loin de tout détester, en fait, je dois même dire que dans l'ensemble tout est plutôt correct, et je réécoute de temps en temps plusieurs sons encore quelques semaines après leur sortie. Seulement, voilà : j'ai l'impression que cet album est une régression.


La raison pour laquelle in tongues m'a autant parlé, c'est parce que dans cet album (oui bon EP) il exprimait avec beaucoup de justesse une certaine fragilité, une blessure, qui se ressentait autant dans son chant, et sa voix dans laquelle on pouvait encore déceler les séquelles qu'avaient laissées les cris gutturaux du Pink Guy (petit ange parti trop tôt), que dans ses prods, qui par un usage intelligent du sample et d'effets lofi parvenaient à susciter cette sensation de nostalgie et de fêlure...
Comment peut-on ressentir la même chose en écoutant l'emphatique et lourdingue au possible Like You Do, l'insipide MODUS, et... gloups Mr. Hollywood (oui les 3 pélo qui lui ont foutus des 8 et 9 c'est à vous que je demande) ?


Je remarque beaucoup de commentaires sur sa voix, qui se serait « améliorée » ; et je vais conclure sur ce point, qui illustre parfaitement à mon sens la régression de cet album.
Oui, la voix de Joji s'est améliorée : il chante plus juste, et plus haut...


La question maintenant est de savoir : est-ce que ça a le moindre intérêt dans le cadre de sa musique, qui repose sur une esthétique de la brisure ; une musique qui se doit donc d'être faillible pour exprimer cette sensibilité, cet aspect « chair et âme à vif » que l'on ressentait en écoutant ses premiers travaux; oui il chante plus juste mais du coup ce qu'il dit sonne plus faux


Quand Joji exprime ses doutes et la douleur de la séparation avec l'être aimée dans Will He, quand je l'entends tirer sur ses cordes vocales, est-ce que j'y crois, est-ce que ça me touche ? Oui
Quand Joji explique qu'il est quelqu'un de bizarre dans Normal People, et le chante avec une voix parfaitement harmonieuse et maîtrisée, en featuring avec un chanteur lisse et chiant, est-ce que j'y crois, est-ce que ça me touche ? Bon, oui un peu quand même le morceau est pas mal faut pas déconner. Mais clairement moins


J'espère que cet album représentera qu'un moment d’égarement dans la carrière encore toute jeune de Joji, et pas une étape de la direction dans laquelle j'ai pourtant un peu peur qu'il ait décidé de s'engager, celle d'une musique pop agréable à l'oreille, mais impersonnelle

VizBas
5
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le 25 oct. 2020

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VizBas

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