Du l’art et du cerf-cochon

Cette chronique véloce aurait également pu se nommer “de la subtile tendance à répéter éternellement les mêmes préciosités”. Expliquons-nous : Katatonia est à un tournant risqué de sa longue et noble carrière, et son mentor Jonas Renkse ne semble absolument pas prêt à la remise en question. Même le départ de son ami, le guitariste originel Anders Nyström, n’aura rien changé : la sombre bête fulmine les mêmes pensées, avec la gageur de l’expérience … et la fadeur de la redondance.

Avec The Fall of Hearts (2016), Katatonia avait pourtant réussi à marquer son metal alternatif d’une progressivité et d’une dynamique bienvenues. City Burials (2020) explorait des contrées plus douces, mais non moins audacieuses. Et puis, Sky Void of Stars (2022) réinjectait cette sève d’un gothisme plus féroce, celui qui fit de l’ère Viva Emptiness/The Great Cold Distance un âge d’or du groupe. Pourtant, la mélodie funeste commençait déjà à sérieusement s'essouffler, malgré la mise en scène impeccable et la production aux oignons de Napalm Records. Justement, le passage sur ce très grand label aurait peut être finit par terminer un lifting démarré depuis bien longtemps. Kataonia, chancelant toujours entre la confortable réminiscence de lignes vocales archi-similaires, des structures parfaitement taillées pour une efficacité belle mais fade, serait devenu catatonique (ah le comble !). Avec Nightmares as Extensions of the Waking State (que nous abrégerons avec une nouvelle pointe d’irone en “NEWS”), toutes les faiblesses saillantes mais calfeutrées des dix précédents disques se retrouvent ici obèses, mises à nue sous l’implacable soleil de l'entropie. Et nous, on s’ennuie, car NEWS n'a plus rien d'une nouveauté.

Alors rassurons-nous un brin : NEWS reste un honnête album de Katatonia, son plus pur produit distillé jusqu'à l'excès même : en ne s’accordant aucun climax, de si molles variations et si peu d’expérimentation (“Efter Solen” restant l'unique exception avec son cortège d’intéressantes nappes électroniques et ses lyrics en suédois), la pâle offrande tourne au langoureux face-à-face avec un néant d'originalité. C’est étrange, car chaque titre en lui-même recèle une myriade de subtilités progressives et adroitement assemblées … mais, clonés les unes aux-autres en un triste tressage, les morceaux s'amalgament dans un unique flux d’un meta-metal d'ambiance, aussi sage et admirable qu'aride et lénifiant. Disons le : chiant.

Jonas Renkse évite heureusement la totale cata (tonia) d’un hors-propos pour nous berner avec la facile union du prémâché : du Katatonia en pilote auto, plus pataud que finaud (d’où la comparaison du cerf de ce bel et ronflant artwork avec … un cerf-cochon. Pas un fin flaireur de truffes, plutôt un exsangue et bourratif jambon !). Le prochain album nous dira si Katatonia peut une nouvelle fois s’extirper de la gangue de la réitération, dans laquelle on chuté tant de groupes à la hargne diluée au long rasoir de cet éternel temps assassin - une phrase aussi ronflante que l’album, en somme. Le talent est intact ... reste l'audace et la sincérité, maintenant.