Laura Marling n'a que 23 ans mais il s'agit déjà de son quatrième album. Elle est de ses artistes qui ont un besoin dévorant d'expression dès le plus jeune âge. Un jour, il y a probablement bien longtemps, elle a entendu Joni Mitchell et elle s'est dit que l'Angleterre avait besoin d'une Joni d'aujourd'hui. Son truc à elle, c'est ça : réinventer la folk américaine dans un studio londonien. Cela ne plaît pas toujours outre-Atlantique où l'on n'aime pas trop que des étrangers viennent secouer le patrimoine national. La réussite de Laura Marling se prouve aussi ainsi, ses disques sont tellement brillants qu'elle a fini par conquérir même les plus sceptiques. L'accueil enthousiaste et quasi unanime offert à Once I Was An Eagle en est le symbole.

On avait quitté la chanteuse en 2011 après A Creature I Don't Know, disque moyen qui ne faisait que capitaliser sur les grands moments de I Speak Because I Can. La pause dans la frénésie créatrice fut on ne peut plus profitable. Si Laura a enregistré l'intégralité de sa contribution au nouvel album en l'espace d'une journée, le travail d'écriture en amont est clairement plus consistant. C'est ce mélange entre immédiateté de l’interprétation et la complexité des chansons qui soutient Once I Was An Eagle. Car c'est un petit monument en soi, 16 chansons pour un peu plus d'une heure, dans le domaine de la folk, c'est rare. Le premier mouvement du disque incarne idéalement cette ambition. C'est une longue variation sur des thèmes musicaux plus ou moins identiques mais où les changements de rythme, les arrangements et les atmosphères rendent chaque morceau unique. Véritable tour de force esthétique, doublé d'excellents textes (où le diable est forcément omniprésent et les hommes renvoyés chez leur mère), cette entrée en matière est instantanément séduisante. Elle culmine sur l'enchaînement entre le conquérant Master Hunter (déjà un des hymnes de 2013) et son miroir, le délicat Little Love Caster.

Mais le meilleur est à venir dans une seconde partie plus variée où brillent des compositions à la fois très respectueuses des canons du genre et subtilement originales. C'est ainsi qu'on définit sans doute le mieux la musique de Laura Marling, gentiment classique et doucement révolutionnaire. J'insiste sans cesse sur ce point, mais l'essentiel avant d'innover à tout prix, c'est d'avoir de bonnes chansons. Dans le cas de Laura Marling, l'oreille peu habituée au genre n'entendra pas forcément pourquoi ce disque s'avère si fantastique ; ou du moins, pas dès les premières écoutes. L'amateur de folk, lui, en restera bouche-bée dès le début. A 23 ans, la chanteuse possède déjà l'assurance des plus grandes, avec sa voix qui ne connaît pas l'hésitation et son jeu de guitare très affirmé. On espère, bien sûr, qu'elle n'a pas déjà atteint son apogée avec cet album qui serait le sommet de beaucoup d'autres carrières.
Ed-Wood
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Le meilleur de 2013 et Les meilleurs albums de 2013

Créée

le 5 juin 2013

Critique lue 252 fois

5 j'aime

Ed-Wood

Écrit par

Critique lue 252 fois

5

D'autres avis sur Once I Was An Eagle

Once I Was An Eagle
Krokodebil
7

Spellbound by an eagle.

A seulement 23 ans, Laura Marling sort un 4ème album (!) d'une maturité absolument exceptionnelle. Sa voix chaude et terriblement adulte se pose et s'enroule sur des mélodies folk aux sonorités...

le 5 juin 2013

3 j'aime

Once I Was An Eagle
TWazoo
7

L'aigle hindou

Belle unité que celle de Once I Was An Eagle ! Laura Marling a su souder ses compositions pour proposer un disque monté en deux temps ; une suite orientalisante en 7 morceaux qui accompagne...

le 13 juin 2013

3 j'aime

Once I Was An Eagle
chatonsylvestre
6

Critique de Once I Was An Eagle par chatonsylvestre

Ça me brise le coeur de mettre une telle note à ma Laura mais j'ai pas eu les frissons cette fois. J'ai un gros soucis avec le songwriting dans cet album. C'est comme si c'était trop pensé, trop...

le 28 mai 2013

1 j'aime

1

Du même critique

Shaking the Habitual
Ed-Wood
9

Secouer les habitudes

C'est un disque de punk électronique. Pour le comprendre il faut dépasser l'idée que la musique punk ne consiste qu'en trois accords joués très vite pendant trois minutes maximum. Le punk c'est aussi...

le 3 avr. 2013

31 j'aime

Lost in the Dream
Ed-Wood
10

I have a dream...

Vous allez lire ici et là que le nouvel album de The War on Drugs est un disque de rock « à la papa » ("dad rock"). Certains l'écriront de manière péjorative, d'autres comme un compliment. Dans tous...

le 7 mars 2014

28 j'aime

3

Les Hauts de Hurlevent
Ed-Wood
10

Le meilleur film de 2012 ?

Je voue un amour sans borne aux Hauts de Hurlevent. A mon sens, aucune adaptation cinématographique ne peut approcher la force du texte d’Emily Brontë. Aussi estimables qu’elles soient, les versions...

le 29 sept. 2012

28 j'aime