En 1975, ça y est, les Eagles prennent leur envol et ils le font majestueusement. Ils avaient osé le concept album en 1973 avec « Desperado » mais l’album avait été commercialement décevant. Frey et Henley, les deux leaders du groupe, en ont tiré les leçons et ont donc opté pour une formule plus simple et plus directe, en un mot plus accrocheuse avec « On the border » en 74 avec succès. L’année suivante, ils poursuivent sur leur lancée et vont encore plus loin avec « One of these nights » grâce à des chansons encore meilleures et un guitariste de grand talent qui s’affirme dans le groupe en la personne de Don Felder. Cet album se révèle une très bonne synthèse de toutes leurs influences, de moins en moins country avec un Bernie Leadon de plus en plus sur la touche et c’est l’affirmation d’un soft rock (ou rock californien) qui va culminer avec « Hotel California » en 76. Et il permet aux Eagles de devenir un groupe d’envergure mondiale, il change littéralement de catégorie. Grâce au producteur Bill Szymczyk, le son du groupe a changé de manière perceptible. Plus profond, plus imposant, plus riche que le son des 1ers albums produit par Glyn Johns qui les cantonnait dans un registre country rock (la rupture avait été consommée entre eux lors des sessions du précédent « On the border »). On a compris que les leaders voyaient bien plus grand que cette étiquette et avaient d’autres ambitions depuis leurs débuts.
Les chansons passent clairement un cap avec des ballades sublimes à l’image de « Take it to the limit » et « Hollywood waltz ». Mais ils sont aussi imparables sur des morceaux plus enlevés et « One of these nights » et "Lyin' eyes" vont casser la baraque en singles. L'histoire de "Lyin' eyes" est bien connue. Frey et Henley se trouvaient dans un restaurant de Los Angeles. C'est alors qu'ils voient entrer un homme très ordinaire mais manifestement très aisé avec à son bras, une jeune et belle femme. Frey se tourne vers son acolyte et lui sort: "She can't even hide those lyin' eyes". Et toc, la chanson est née! Pourtant, en dehors de ces hits, des morceaux comme "Visions" et surtout "Too Many Hands", bien moins connus, ne sont pourtant pas à négliger. Allez, si on cherche un petit point faible, ce serait le final sur « I wish you peace » signé par Leadon. Ce dernier avait signé trois titres pour cet album et aucun n’est sorti en single, la mainmise de Frey et Henley sur le groupe est de plus en plus forte. Le départ de Leadon était programmé et ce sera fait après la tournée de cet album. Il sera remplacé par Joe Walsh. Plusieurs facteurs ont été réunis pour expliquer la qualité de cet album: la finesse des mélodies de Henley et Frey, deux grands auteurs-compositeurs; la production efficace, et le talent de Felder à la guitare. C'était l'album préféré des Eagles de Glenn Frey dans toute leur discographie! La porte était désormais grande ouverte pour leur chef d’œuvre, « Hotel California » qui reste un des albums les plus vendus de toute l’histoire de la musique.