Oxymoron
6.5
Oxymoron

Album de ScHoolboy Q (2014)

Schoolboy Q est un membre du collectif Black Hippy, un groupe de rap comprenant également Jay Rock, Ab-Soul et surtout Kendrick Lamar, petit prodige propulsé au sommet il y a deux ans avec son Good Kid m.A.A.d City, déjà considéré par beaucoup comme un classique. Si le grand public est de plus en plus familier avec Lamar, notamment grâce à ses nombreuses collaborations avec d’autres artistes (voir sa performance avec Imagine Dragons lors des derniers Grammy Awards), ses collègues de Black Hippy semblent toujours dans l’ombre de son écrasant succès.

Oxymoron est déjà le troisième album de Schoolboy Q. Sorti en 2011, Setbacks marqua un important changement dans la vie du rappeur de L.A. « Beaucoup de personnes ne me connaissaient toujours pas, mais beaucoup de personnes me connaissaient. C’était bizarre. Ça m’a emmené là où il fallait. Je me suis fait de l’argent avec le projet, ça m’a aidé à réaliser que j’avais besoin de faire plus de trucs positifs dans la vie, et ça m’a fait devenir la personne que je suis. » Cet album indépendant, que Schoolboy offrit gracieusement sur Twitter, traitait de thèmes plutôt sombres et qui ramènent à la fois aux poncifs du gangsta rap : la vente et la consommation abusive de drogues, les filles faciles, la rue… Mais le concept du disque était avant tout d’expliquer les conditions qui empêchaient Schoolboy Q de rapper et d’accomplir ce qu’il voulait réellement accomplir.

Un an plus tard, avec Habits & Contradictions, il produit un album censé dépeindre son style de vie paradoxal : lors d’un séjour en prison, il dit ne plus vouloir dealer. C’est pourtant la première chose qu’il fera en sortant. Il prie Dieu, lit la Bible et demande le pardon mais se remet à fréquenter les putes et à se droguer à la première occasion. Ces contradictions font ainsi tout le sel des morceaux de l’album aussi bien dans la thématique des paroles que dans la production elle-même. Le disque porte bien son nom et cette versatilité instrumentale sert d’écrin au flow des multiples guests de qualité qu’on retrouve le long des 67 minutes. Le collectif Black Hippy est bien entendu de la partie, toujours lié comme les doigts de la mains.

Oxymoron partage cet aspect avec son prédécesseur. Jay Rock et Lamar sont toujours là pour épauler leur pote. Le premier offre une participation folle sur Los Awesome qui renvoie directement aux sonorités du gangsta rap des 90’s sur un beat uptempo. Le second, plus jouasse, s’amuse clairement sur un refrain hispanisant au cœur de Collard Greens, l’un des singles marquants de l’album. Les singles, parlons-en. Si on a pu entendre différents sons de cloche, il ne fait aucun doute que "Collard Greens", "Man of The Year" et "Break The Bank" sont les moments forts d’Oxymoron. C’est là qu’on se rend compte de la plus grande différence avec Habits & Contradictions. Là où son prédécesseur laissait une grande place à l’introspection tout en mettant en exergue les contradictions du style de vie d’un homme cherchant la rédemption bien que toujours aux prises de ses vieux démons, Oxymoron vient se poser comme une thérapie pour Schoolboy Q. Aujourd’hui, le rappeur est père d’une fille de deux ans et il a pris conscience qu’il avait besoin de prendre du recul plutôt que de chercher les emmerdes. Toutefois, cela ne l’empêche pas de revenir sur son passé trouble. "Prescription/Oxymoron" est un morceau touchant (samplant des bouts de voix de sa fille) référençant encore une fois une histoire complexe où les prescriptions médicinales lui permettaient de faire face au stress du commerce de stupéfiants à la sauvette. Hoover Street est également l’un des morceaux faisant peut-être écho à la dualité explorée dans Habits & Contradictions. Mais inutile de chercher d’autres points communs. Oxymoron représente ce que Schoolboy a pu faire de plus proche d’un party album, enchaînant les bangers et les titres festifs, légers et spontanés, qui font taper du pied et remuer la tête comme un teubé ("Collard Greens", "Man of the Year", "Hell of a Night", "Gangsta", "Studio"). Enfin, on pourra noter la présence de guests peut-être un poil moins mémorables. Sans vouloir dénigrer le talent du personnage, Tyler, the Creator ne parvient pas à emmener un titre comme "The Purge" bien loin, malgré la production encore une fois très intéressante, rappelant curieusement sa participation à la bande originale du jeu GTA V avec le morceau "Garbage". 2 Chainz fait pâle figure sur le morceau (autrement très engageant) "What They Want" tant son couplet laisserait dubitatif ceux qui avaient encore un brin d’espoir en lui.

Sans parvenir à rivaliser avec l’écriture de Kendrick Lamar, Schoolboy Q signe un Oxymoron bien plus compact, au concept sans doute moins ambitieux et clair que son deuxième album, mais qui dispose de qualités indéniables : une poignée de singles efficaces, des titres emballants et emballés sans pour autant négliger des moments plus intimistes et sincères.
Octogonapus
7
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le 10 mars 2014

Critique lue 306 fois

Octogonapus

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