Le doux parfum des seventies...

"Ram Jam" (l'album, pas le groupe) n'est sans doute pas un grand disque ou un chef d'oeuvre de l'histoire du rock. Il y a, à mon avis, deux raisons à cela et ces deux raisons suffisent à expliquer pourquoi autant de personnes ont pu passer à côté de cet album (qui n'est absolument pas mauvais ou inintéressant) : -Le giga tube "Black Betty" qui ouvre les hostilités met la barre si haut que tout le reste de l'album souffrira de la comparaison. -La production manque de tranchant et de relief, si bien que la quasi totalité du disque s'écoute sans déplaisir mais la plupart des morceaux peinent à décoller peu importe leurs qualités intrinsèques ("Right on the money" ou "Too bad on your birthday" sont de superbes boogie rock fiévreux par exemple).

Maintenant, si on fait un effort d'abstraction et que l'on s'efforce de ne pas juger les chansons de l'album à partir de "Black Betty" véritable baffe effectuant une synthèse entre le blues ancestral et le rock lourd et survitaminé des annéees 70 (et monument laissé par le groupe au panthéon de l'histoire du rock bien sûr) il faut bien admettre que ce n'est pas mauvais du tout. Certes, les plus exigeants diront que tout sonne ici un peu "désuet" ou en retard par rapport à l'explosion du punk qui marque l'année de sortie de l'album...c'est vrai. Mais ce qui est également vrai c'est que le blues/rock proposé ici (bien que relativement inoffensif) n'a rien de mauvais pour autant...tout repose essentiellement sur des riffs de guitare qui vont à l'essentiel et sur une énergie communicative qui ne s'embarasse pas de fioritures. On retrouve même sur quelques morceaux une volonté d'exploration musicale rafraîchissante : le fameux "404" ouvrant la voie à un funk/rock encore légèrement balbutiant (l'album suivant enfoncera le clou avec le superbe "Wanna find love") ou l'instrumental "High Steppin'" s'aventurant dans des contrées progressives et psychédéliques savoureuses.

A l'image de ce "Keep your hands on the wheel" drôle et entraînant qui servira de second single à l'album (pour un succès logiquement inexistant...) "Ram Jam" n'est pas un album sérieux mais de bonne facture et tout à fait agréable qui nous plonge dans une atmosphère délicieuse propre aux années 70. Le problème pour le groupe sera de ne pas réussir à enregistrer un aussi grand morceau que "Black Betty" sur cet album. Et si le second album du groupe est un véritable chef d'oeuvre (lui en revanche) qui rectifiera tous les défauts énoncés (en particulier concernant le tranchant de la production et l'équilibre en terme d'inspiration), il aura pour principal tort de ne pas réitérer la même formule et de ne pas proposer un nouveau "Black Betty" (l'album regorge de perles plus belles les unes que les autres mais peu importe...), ce qui entraînera pour des raisons injustes la fin d'un groupe au potentiel énorme et au moins correctement exploité sur le fantastique "Portrait of the artist as a young ram" considéré depuis comme un "classique underground".

Je ne peux donc pas m'empêcher de ressentir de la frustration lorsque j'écoute Ram Jam que cela soit cet album en me disant qu'ils auraient pu mieux s'y prendre ou le suivant en me prenant à fantasmer sur le groupe cultissime qu'il aurait pu devenir si les choses avaient été différentes..."Black Betty" aurait sans doute davantage trouvé sa place sur le chef d'oeuvre de 78. Peu importe car c'est pour cela que je réécoute régulièrement ce groupe et ses deux précieux albums (surtout le second...) pour me replonger dans cette atmosphère hors du temps que sont la deuxième moitié des années 70 et pour rêver à ce qui aurait pu advenir à partir de ce qui a déjà été...un très bon groupe qui a mal géré sa carrière et un groupe incontournable connu de façon superficielle.

Vive Ram Jam!