Rocket to Russia (40th Anniversary Deluxe Edition) par XavierChan

On ne sait pas très bien s'il faut rire de la métaphore du titre, si l'on doit tenter d'intellectualiser et de rendre un minimum sérieux toute critique d'un album des Ramones. Doit-on y voir une volonté de conquérir la planète ou de foutre une rocket sur la tronche de L'Armée Rouge? Peu importe, l'essentiel est que les Ramones se sont sentis pousser des ailes et grand bien leur fasse puisque Rocket to Russia est une sorte de cousin new-yorkais des Clash période Give 'Em Enough Rope, lorsqu'ils étaient encore dans leur période punk mais plus intellectuelle et rock 'n' roll qu'au début.

Rocket to Russia est un uppercut classique et parfaitement troussé, dansant, improbable synthèse des débuts et des petits miracles d'une belle production et d'harmonies surf rock efficaces (Rockaway Beach, Surfin' Bird, etc.). Le son gagne en rondeur, les cymbales et charleston ne sont plus utilisées à tout va, les textes gagnent en maturité (We're a Happy Family) et certains titres auraient pu sortir tout droit d'un best-of de Brit pop (Here Today, Gone Tomorrow).

Le fossé creusé avec les deux albums précédents est important bien que la structure de certains morceaux reste une nouvelle fois calquée sur leurs anciens tubes (l'hilarant I Wanna Be Well aurait pu être I Wanna Be Your Boyfriend). On retrouve cette même énergie radicale, totalement libre (le cover de Do You Wanna Dance, repris aussi par les Beach Boys), délicieusement entraînante.

Sans les impératifs commerciaux contractuels et la nécessité d'être dans le wagon punk de l'époque, les Ramones auraient pu assembler en une année record la totalité de leurs enregistrements et produire de facto, sans aucun doute possible, le plus grand triple album punk de l'Histoire de la musique. Pendant ce temps, Lou Reed abandonnait ses kids et se fourvoyait à faire le con à New-York avec une série d'enregistrements en solo plutôt médiocres.