Sign of the Hammer
7.1
Sign of the Hammer

Album de Manowar (1984)

Succéder à Hail to England n’a rien d’une sinécure, et c’est cette lourde responsabilité que va devoir endosser Sign of the Hammer, quatrième album du groupe, et sorti très rapidement après son prédécesseur (trois petits mois séparent ces deux opus).
Quelle sera la volonté de ce nouvel ouvrage ? Rester dans la lignée de son glorieux aîné ? Tenter de se démarquer ? L’écoute y répondra.

À propos de réponse, cela fait beaucoup d’années que j’en cherche une à cette question : que veut dire All Men Play on Ten ? Tous les hommes jouent sur dix ? Je n’ai jamais réussi à traduire correctement ce titre, et sa signification m’échappe toujours. Quant à la chanson en elle-même, sympatoche. Les chœurs accompagnent Adams, la rythmique est fidèle au groupe, ce son claquant, ce tempo modéré, c’est du Manowar tout craché. Mais à l’instar de beaucoup d’autres, elle ne parvient pas à se hisser aux inénarrables classiques du quatuor en cuir. Un autre morceau que je connais bien à force d’écouter encore et encore les albums en entier, mais qui ne figure pas parmi ceux que je réécoute inlassablement.

La chanson au titre étrange s’achève puis voilà qu’un riff furieux et des cris rageurs nous pètent à la gueule. Boum ! Vindieu, ça surprend ! All Men Play on Ten était la mèche qui se consume, mais Animals est la dynamite qui explose. Retranché dans sa bestialité animale la plus primaire, le morceau, au tempo rapide, nous mitraille avec sa déferlante d’énergie. Le jeu de batterie enchaîne les triolets véloces pour délivrer des assauts survoltés, ça pète de partout ! La guitare et la basse se joignent au cogneur de fûts pour amplifier la mitraille, les balles fusent, le feu des canons monopolise l’acoustique ! Eric Adams modère un peu la violence avec un chant plutôt calme quand on le compare à la rythmique, mais quand vient le refrain, il se met au diapason de la hargne impétueuse de ses camarades lorsqu’il exhale la puissance de ses cordes vocales pour achever un auditeur déjà en proie à une inarrêtable tornade d’impétuosité. D’ailleurs, fait rare, le morceau se termine en fondu sonore, laissant Eric Adams s’exciter comme rarement et Ross the Boss en roue libre délivrant un solo dont l’énergie abondante semble impossible à canaliser. Le bougre ne ménage pas sa six-cordes et réussit ainsi à illustrer l’instinct animal, thème du morceau.

Pas le temps de niaiser, ni de se reposer ! Car on enchaîne avec Thor (The Powerhead), et son introduction fulgurante. De concert, la basse et la batterie enchaînent les triolets saccadés pour accroitre l’explosion de véhémence initiée un morceau plus tôt. On passe d’une tornade à un ouragan. Le riff est plus calme pour les couplets, enfin moins énervé, plutôt. Le torrent cesse de bouillonner mais reste encore très proche des cent degrés Celsius. Même accalmie pour le refrain, plus épique que furieux. La rage déchire de nouveau la légère toile de paix pendant le solo de guitare, puis le semblant de quiétude fait son retour jusqu’à la fin de la chanson, monumentale. Eric Adams, qui tout au long du morceau nous narre la bataille apocalyptique que Thor livre contre les Géants pour le contrôle du monde, hurle le nom d’Odin, puis vient ensuite la tempête, la foudre indomptable, le feu ardent, la déferlante de son qui fracasse jusqu’au moindre atome de matière : bref : la fin du monde ! Cri d’Eric Adams, reprise de l’intro tonitruante mais un ton en-dessous, puis explosion du Système solaire tout entier, ravagé par la fureur commune du quatuor en cuir. Grandiose !

Mountains détone du reste de l’album car c’est une ballade, enfin une ballade de Manowar, on loin de la ballade type qu’on peut retrouver chez des groupes comme Scorpions, Metallica, Queen ou bien d’autres. Elle détone d’autant plus que c’est le premier morceau plutôt calme du groupe, qui aura attendu le quatrième opus pour se rompre à l’exercice. Eh bien, ça fonctionne ! Bon, les paroles transpirent un peu la candeur et use de poncifs, mais n’est-ce pas ce qui caractérise plus ou moins une ballade ? Encore une fois, Eric Adams, dans un registre inhabituel, est grandiose de bout en bout. Il nous gratifie même d’un final en apothéose, bien que plus calme que d’habitude, mais pas moins intense. Refrain efficace et poignant, paroles un peu niaises, mais un joli premier jet pour une chanson calme.

Boum ! Joey DeMaio secoue frénétiquement son plectre sur les cordes épaisses de sa basse, puis monte d’un ton, puis la batterie détonne (avec deux n, donc inflige une détonation !), et Eric Adams hurle ! Sign of the Hammer débute sans qu’on ait le temps de se rendre compte de quelque chose. Le sort a été rompu ! La malédiction a été rompue ! Noir est le vent, Sur les talons des surdoués (?). Le couplet démarre lui aussi tambour battant, et tandis que nos esgourdes se trouvent charmées par le vocaliste qui, à l’aide d’un seul cri rageur réussit encore à faire subitement monter notre adrénaline à son paroxysme. Le refrain déboule à son tour, soutenu par une cavalcade rythmique symbolisée par de nouveaux triolets à la batterie ainsi que par la ligne de basse galopante jouée par le patron du quatuor. Sans perdre une seconde, l’enchaînement couplet refrain revient consolider l’étreinte acoustique portée à l’auditeur béatement ahuri avant que Ross the Boss, d’un solo débordant d’énergie, ne vienne ajouter son lot de chevrotine. Et puis, la rupture. Non ! Eric Adams est plus calme, La malédiction a été rompue, Le sort a été lévé…NOIR EST LE VENT, sur les talons de surdoués ! Ouch, c’était quoi ça ? Pas le temps de trouver une réponse, car la cavalcade tambourine de nouveau ! Diantre, cet interlude ! Ce « Black is the wind » hurlé par Adams, comme ça, sans prévenir, c’est monumental !! La chevauché électrique se termine. Dans le calme ? On dirait. Non ! Eric Adams pousse sa voix, allant crescendo dans les aigus et l’intensité. Fini. Toujours pas ! Scott Columbus pilonne son fût et arrive alors Eric Adams et son ambitus qui délivre une prouesse vocale indescriptible. La batterie assène les derniers coups, le cogneur vide le chargeur de son arme d’assaut sur l’auditeur déjà au Nirvana, et les quatre musiciens mettent un terme à la rafale par l’intermédiaire de trois pulsations simultanées : sois…mon…guide ! Cessez le feu. Sign of the Hammer, son rythme, sa fougue, son interlude et puis surtout, son final ! Quelle claque, quelle gifle, quelle explosion de rage ! Le final hante mes jours depuis la première écoute, ces putains d’assauts de batterie juste avant l’exhortation finale résonnent dans ma tête au moins une fois par jour depuis plus de dix ans maintenant. Et puis les trois derniers coups, extase suprême où Adams se rallie au Signe du Marteau c’est…une abondance d’émotions. Je n’écoute jamais cette chanson en voiture, car je perds le contrôle de moi-même, ce qui est très dangereux, au volant.

The Oath prend le relais et va encore plus vite et tente de frapper plus fort. La vélocité, cœur de l’album, est toujours présente, la hargne aussi. On reste sur les traces de Sign of the Hammer, mais sans le même niveau de qualité. Encore un morceau violent, rapide, et doté de parties vocales puissantes et acérées. Un morceau de la substance de l’album entier.

Thunderpick est le traditionnel solo de basse de DeMaio qui aime encore faire son zinbouinbouin. Se souvenir des propos de Marc-Aurèle au sujet des crevasses issues de la cuisson du pain, et de son analogie avec l’écume du sanglier. Une chose est belle malgré les aspérités disgracieuses qu’elle possède, parce que ces irrégularités forment un tout harmonieux, contribuent à dégager un caractère unique, une personnalité. C’est pareil pour les plaisirs mégalomanes de DeMaio.

Guyana (Cult of the Damned) clôt l’album. Ce morceau traite du suicide collectif survenu en 1978 en Guyane anglaise. C’est la première fois que Manowar aborde un sujet sérieux, issu de l’histoire humaine plutôt que des mythologies diverses. Son introduction lente détone avec la fougue substance de l’album, jusqu’à ce que le tempo accélère, sans atteindre pour autant la vitesse de certaines chansons précédentes. Guyana peine à démarrer et à dégager quelque chose. On sent que chaque musicien y met du sien, mais le cœur n’y est pas, et ça se ressent au niveau de l’écoute. Quand ces bougres-là sont capables de vous pondre d’inénarrables chefs d’œuvres comme Bridge of Death ou Battle Hymns, il faut reconnaître que, à titre de comparaison, Guyana fait bien pâle figure. On la fredonne et l’oublie rapidement.

Ce quatrième opus était tout simplement énervé à la simple idée de devoir répondre aux questions soulevées dans l’introduction. Chargé de combustibles, ce brûlot fonce dans le tas sans chercher à spéculer, il rentre dans le lard, prêt à dynamiter toute phrase ponctuée d’un point d’interrogation. Hail to England ou pas, peut lui chaut, car Sign of the Hammer n’est pas là pour dialoguer, il est là pour tabasser. Violent, brutal, marginal, un fer rouge flamboyant qui laisse une trace à vie, à l’image du morceau homonyme et son inoubliable final.

Ubuesque_jarapaf
9

Créée

le 5 août 2022

Critique lue 15 fois

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