Simulation Theory
5.1
Simulation Theory

Album de Muse (2018)

La nouvelle grande cour de récré de Muse

  • Ce n'est pas une note négligeable de la part des utilisateurs de Sens Critique, et quelque peu injuste si l'on regarde les choses en face. Je vais donc tenter de défendre au maximum cet album, pas du tout inintéressant.
    "Berk, c'est pas du Muse", "C'était mieux avant..."' : C'est devenu un rituel à chaque album pour les "fans" du groupe, qui perd complètement son sens aujourd'hui, puisqu'on l'entend depuis bien trop longtemps. Qu'appelle-t-on l'ancien Muse ? Dans quoi se range la personnalité du groupe ? Quel style ? Aucun et tous à la fois, selon moi. Ce que Matthew Bellamy aime par dessus tout, c'est expérimenter et instaurer un nouvel univers à chaque album.
    Là où l'éclectisme de Absolution (leur pièce maîtresse selon moi) faisait l'usage d'une rigueur assez exemplaire, leur autre album fourre-tout était le méprisé, rejeté The 2nd Law, où se côtoyaient de multiples influences (Radiohead, U2, Queen, et Dubstep ???), transformant l'album en une montagne russes de sensations toutes plus différentes les unes que les autres (aussi savoureuses qu'indigestes), et chaque nouveau morceau était une découverte différente de la précédente. On voyageait.
    On avait un peu perdu ça avec le pourtant très correct Drones (une réponse indéniable aux fans, nouvellement déçus alors qu'on leur a servi la sauce qu'ils attendaient...Simplement, ils ne parviennent pas à retrouver le goût de la première fois) qui était certes tenu jusqu'au bout, mais un petit peu fade et qui réservait peu de surprises.

Si j'ai fait cette longue introduction pour définir ce que j'aime chez Muse, c'est parce qu'on le retrouve un peu sur ce Simulation Theory. Attention, c'est loin d'être parfait (d'où le 7), et comme la plupart des albums de Muse, on retrouve autant de ratés que de petites pépites, ou de simples plaisirs coupables...
Il a le mérite d'instaurer un véritable nouvel univers. Au lieu de rester dans la lignée de Drones, le groupe prend un virage totalement ancré dans la sphère du synthwave rétro qu'il hybride à son rock pour le meilleur et le pire.
L'atmosphère cosmique fonctionne extrêmement bien sur les morceaux qui ouvrent et closent l'album, se répondant : Algorithm rappelle la construction du premier morceau de Black Holes and Revelations, Take a Bow en plus réussie (parce qu'elle en fait un peu moins des tonnes tout en gardant l'envolée lyrique et musicale), l'arrivée du rock orchestral au milieu des vibes électro fait extrêmement plaisir et l'entrée en matière est alléchante. (Sa cousine, The Void, très harmonieuse, trouve aussi le ton juste entre sobriété et excès, dans un espèce d'hommage aux BO électro de Cliff Martinez).
Au niveau des singles, on a du très agréable (The Dark Side, parfaitement logique dans sa deuxième position derrière Algorithm qui lui offre une entrée glorieuse, Dig Down dont on se délecte des basses et où la progression fonctionne à merveille) à des choses moins intéressantes (Pressure possède un riff accrocheur, mais souffre de la même lassitude qu'on ressent face à Thought Contagion, qui sur-utilise sa construction avec trop de facilité. Quant à Something Human, je ne préfère pas en parler tant elle est oubliable, mièvre et fait en plus tâche au milieu de l'atmosphère de l'album.)

La découverte des titres Propaganda et Break it to me fut assez amusante, et c'est là que je me suis fait la réflexion du perpétuel renouvellement de Muse. Des influences fortement ancrées R&B faisant penser au Undisclosed Desires de Resistance qui fonctionnent (Propaganda rappelle les dernières années de Michael Jackson) parce que liées aux petits riffs de guitare diablement efficaces de Matt (un peu à la Panic Station) et qu'on a même le droit à un solo un peu oriental, dépaysant au milieu de Propaganda, où à l'impression d'une invasion extraterrestre à la fin de Break it to me.

Blockades passe super bien également, parce qu'elle arrive après la bouillie Get Up and Fight (peut-être le moment le plus difficile de l'album, on a envie de donner des gifles à Matthew quand il lance son chant criard de combat, l'impression d'une reprise ratée de Revolt, et qui fait plus penser à un bras d'honneur qu'à un pas de côté.), et qu'elle mêle dans un rythme survolté les couplets cosmiques et les refrains aux guitares puissantes. On retrouve un peu les choeurs Queenesques fort agréables de Dig Down, (déterrant un caractère typique de The Resistance) et un délicieux solo rappelant celui de The Handler, dans Drones, en plus développé.

A NOTER DANS LA VERSION SUPER DELUXE : Une formidable reprise gospel acoustique de Dig Down, plus mélodieuse et marquante que l'originale, les versions alternatives de Algorithm (grosse musique épique à la Hans Zimemr) et Dark Side (plus atmosphérique, la guitare a des accents vraiment inattendus).

Bref, force est de constater que Muse s'éclate une fois de plus, et fait la musique qu'il a envie de faire. Ca se sent, et c'est surtout cela qui fait plaisir. Certes, parfois, on hésite entre éclater sa tête contre un mur ou rire grassement quand on l'entend faire joujou avec le Vocoder au milieu de Break it to me ou quand on entend des douloureux souvenirs du Dubstep de The 2nd Law refaire surface. MAIS Simulation Theory est dans l'ensemble un album très agréable à écouter, parce qu'il tente des choses qui font mouche la plupart du temps, ce qui aide à pardonner les bouillies parsemées par ci par là (Something Human, Get up and Fight)... Muse mixe un ensemble de toutes ses influences au milieu d'un nouvel univers, s'imposant selon moi encore une fois comme un groupe avec une capacité singulière :

La capacité, non pas de créer de la nouveauté dans la musique actuelle, mais de se ré-inventer constamment vis-à-vis de celle-ci. D'hybrider ses propres genres pour étendre encore le champ des possibles, de mêler l'ancien et le moderne et de surprendre encore son auditoire.

Il n'y a pas de "vieux" Muse ou de "vrai" Muse, il n'y a que Muse. Et les vrais fans savent à chaque album qu'il est capable de les faire bander comme vomir, mais que ça va sacrément secouer.
En fait, les vrais fans apprendront à apprécier qu'ils les déçoivent.

Elliptic
7
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le 9 nov. 2018

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6 j'aime

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Elliot Minialai

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