Il faut du temps pour entrer dans And Their Refinement of the Decline. Pas seulement parce que l’album dure deux heures, mais parce qu’il exige une chose que notre époque concède rarement : le silence intérieur. Stars of the Lid — duo texan formé par Brian McBride et Adam Wiltzie — ne fait pas de musique à écouter, mais à habiter. Il ne propose pas des morceaux : il sculpte l’air.

Dans cet ultime album studio, sorti en 2007, tout est retenue, dilatation, effleurement. Les titres eux-mêmes — aux noms énigmatiques comme Articulate Silences ou Even If You're Never Awake — semblent davantage désigner des états que des compositions. Violons, drones, nappes de guitare étirées jusqu’à la transparence, tout s’y fond. Aucune rythmique, aucun climax. Juste un lent glissement, comme si chaque piste s’échappait déjà d’elle-même au moment où elle commence.

Et pourtant, ce n’est pas de la musique d’ascenseur pour âmes snobs. C’est un monde. Un monde où chaque note, chaque vibration paraît peser des tonnes et ne peser rien. Il y a du sacré dans cette lenteur, une forme d’élévation sans emphase, sans dogme. Pas besoin de paroles : c’est le son lui-même qui parle. Pas à l’intellect, mais à cette zone imprécise entre la mémoire et le sentiment, là où surgissent les mélancolies sans cause.

Le raffinement du déclin, dit le titre. Tout est là. Ce n’est pas un album sur la chute spectaculaire, mais sur le lent effritement, la beauté résiduelle des choses qui s’éteignent. On pense à Arvo Pärt, à Morton Feldman, à certaines photographies en noir et blanc où l’on sent encore la lumière même après l’avoir quittée.

Stars of the Lid a toujours eu cette pudeur rare : celle de ne pas vouloir séduire, ni convaincre. Leur musique ne cherche pas l’attention — elle l’accueille, si on lui laisse la place. Elle est presque absente, mais d’une absence habitée. Dans ce monde saturé de bruit et de vitesse, And Their Refinement of the Decline est une forme de résistance : celle, fragile mais tenace, de la contemplation.

Un chef-d'œuvre discret, comme une respiration lente au bord du vertige.

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le 4 juin 2025

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