C'est l'un des meilleurs albums des Stones, pour ne pas dire le meilleur... mais je vais pas trop insister, au risque d'ouvrir les hostilités (je veux dire les débats). Après tout, l’appellation d'origine contrôlée "meilleur album" est toujours délicate à attribuer à un groupe.


C'est le véritable album post-Brian Jones (même s'il y en a eu deux avant) dévoilant le nouveau guitariste soliste, Mick Taylor. Musicien expérimenté, malgré son jeune âge (21 ans à peine au moment d'enregistrer l'album), il est passé par l'école de John Mayall et de ses Bluesbreakers - où il brille tout particulièrement sur "Blues From Laurel Canyon" - et où il y apprit le blues. Soliste flamboyant, il nous fait entendre dès le premier morceau "Brown Sugar" ses incroyables licks, ses inspirations majestueuses à la slide qui font jubiler un Keith Richards à la fin du morceau, enchanté et plus que satisfait des possibilités sans fins de son nouveau soliste. Le phrasé de la guitare d'intro de Keith, purement stonien, reste toujours autant inoubliable à ce jour, est immédiatement identifiable et reste le morceau emblématique du groupe.


"Sway" est l'un des meilleurs morceaux de l'album. Même si le riff d'intro est quelque peu poussif, Taylor brille de mille feux et sort ces enchaînements de notes jamais entendues jusqu'alors, et dignes d'un lointain romantisme anglais qu'on avait alors cru oublié. Jagger lui-même exulte, juste après le solo de Taylor, et pousse très haut sa voix (trop haut?), sur des sommets d'aigus qui étaient à l'époque l'apanage d'un Robert Plant ou d'un Roger Daltrey, et s'en sort de justesse.


Après "Wild Horses", une ballade, qui rompt brutalement avec les deux premiers implacables morceaux, retour au "costaud" : "Can't You Hear Me Knocking" un rock parfait teinté de jazz, digne du "Midnight Rambler" très étiré de "Let It Bleed", le précédent opus en studio des Stones. De ce morceau d’anthologie ressort un mémorable duo saxophone - guitare, parfaite improvisation jubilatoire.


A l'époque, les morceaux étaient tous signés par Jagger/ Richards. Pourtant, ce morceau ne sonne pas complètement "stonien", la structure d'ensemble et le phrasé ne sont pas d'appartenance "richardsienne" mais "taylorienne"(néologisme qui pour cet album mérite d'être largement utilisé). Taylor a d'ailleurs dit dans une interview accordée pour une revue de rock qu'il n'avait pas été crédité sur ce morceau qu'il avait co-écrit avec Richards, et que ce "son" entendu à la guitare n'est pas du tout celui que l'on connaît de Keith (mais lui dira dans sa biographie Life qu'il a trouvé l'accordage, l'intro et la construction du morceau ; qui croire?)


"You Gotta Move" paraît joué et chanté sous l'influence de psychotropes et d'alcool ; il est facile d'imaginer les Stones de l'époque, tous bourrés et chanter ce titre à tue-tête "you go-tta moooove..."


"Sister Morphine", co-écrite par Marianne Faithfull, est une chanson ambitieuse, complexe, un peu jazz aussi, et qui peut toujours rivaliser avec "Stairway to heaven" de Led Zeppelin, écrite la même année.


"Bitch" est un morceau fait "de roc" et "de sax"...


L'album a une grande cohérence d'ensemble, blues, rock, jazz. Et la défonce, overdose, cocaïne, héroïne, et speed, autant de sujets sur la dope font presque de cet album un "album thématique". Les morceaux sont agrémentés de mélodies de cuivres très sexuelles (le saxophone de Bobby Keyes puis Jim Price sur "Bitch"), décadantes à souhait, faites pour que Mick Jagger se déhanche toujours autant sur scène, à 70 ans.


Nb : d'autre solos flamboyants (les mêmes...) de Mick Taylor sont à écouter sur "Blues from Laurel Canyon" (1968) de John Mayall & The Bluesbreakers.

Créée

le 19 févr. 2013

Critique lue 1.2K fois

25 j'aime

2 commentaires

Errol 'Gardner

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

25
2

D'autres avis sur Sticky Fingers

Sticky Fingers
Docteur_Jivago
10

Derrière la braguette ? Un diamant brut.

Depuis la sortie de Their Satanic Majecties Request, les évènements se succèdent à la vitesse de l’éclair pour les Rolling Stones. Ils sortent Jumpin’ Jack Flash qui ouvre la période dorée du groupe...

le 28 juin 2014

47 j'aime

18

Sticky Fingers
ErrolGardner
9

Can't you hear the Stones knocking?

C'est l'un des meilleurs albums des Stones, pour ne pas dire le meilleur... mais je vais pas trop insister, au risque d'ouvrir les hostilités (je veux dire les débats). Après tout, l’appellation...

le 19 févr. 2013

25 j'aime

2

Sticky Fingers
FlyingMan
9

Critique de Sticky Fingers par FlyingMan

1971, nouvelle décennie, débarrassé des Beatles, les Stones ont enfin les feux de la rampe pour eux tout seul. Il ne faut pas se reposer pour autant, il faut frapper juste et frapper fort. Les Stones...

le 9 janv. 2012

13 j'aime

2

Du même critique

Vieux frères, partie 1
ErrolGardner
2

Faux frères.

Encore de faux génies accouchant d’un album foutraque à la fusion multi-genres repoussante (rap, slam, chanson française et rock), qui témoigne de la difficulté du moment des artistes français à...

le 10 mars 2014

54 j'aime

6

Rubber
ErrolGardner
7

Rubber Soul.

Il faut l’avouer, « Rubber », c’est n’importe quoi : une voiture heurte volontairement des chaises, qui se cassent comme des châteaux de cartes. Et du coffre de cette voiture sort un flic. Le...

le 25 mai 2013

47 j'aime

6

Délivrance
ErrolGardner
10

Voyage au bout de l'enfer vert.

Quatre garçons dans le vent s'en vont pagayer sur une rivière et jouer aux trappeurs chevronnés. Armés d'arcs, ils chassent, campent et bivouaquent. Lors d'une énième sortie sur la rivière, l'un des...

le 18 févr. 2013

42 j'aime

7