Les jours pluvieux sont comme le spleen : éprouvant pour le corps et l'âme, mais pour quiconque sait danser dedans, ils se révèlent l'un et l'autre n'être ni plus ni moins qu'une scène de plus dans la pièce qu'est la vie. Malgré le whisky réchauffant le cadavre vivace qui me sert de vaisseau spatiale au travers des gouttes de pluies, la froideur de mon cœur vient m'empêcher de rester sympathique à l'égard de mes contemporains : J'emmerde TOUT sèchement et avec fougue, comme un bateau sur une mer déchaînée. Aliéné, étranger à ma propre vie, il est alors impossible pour moi de ne pas être touché par la mystique bizarrerie de Strange Days. Au travers d'une introspection rétrospective, à la fois documentaire et fictive, je nage dans mes pensées à la recherche de l'origine de la passion qui me relie autant à cet album. Laissez votre humble slime vous en parler avec sincérité :
Tout d'abord, il y a la forme : abstraite, psychédélique, irrationnelle, religieuse. Les kaléidoscopes sonores de l'orgue de Manzarek, la subtilité du phrasé de guitare de Krieger, la batterie aux teintes de jazz de Densmore, et la voix de crooner ivre, shaman sous acide, poète rockeur du regretté James D. Morrison. La destinée, ce malheureux hasard, a voulu que la vie du chanteur s'arrête un 03 Juillet 1971, à Paris, ville de la poésie morte par excellence.
J'arpente ses ruelles, le regard vide, cherchant à rendre inexistant les bâtiments de béton et d'acier qui composent chaque arbre de cette forêt anciennement magique. Les Doors me permettent de me concentrer, de me satisfaire : ici, je ne suis que de passage, un étranger. Je ne suis pas comme ces visages décrépies, patibulaires : je danse au travers des gouttes.
Par moment, la Lune vient éclairer le mien, de visage, et je songe au voyage effectué le 21 Juillet 1969, dans l'optique de poser le pied à la surface lunaire. Trente ans après je posais moi-même mon premier pied sur toi. Précurseur, Morrison avait, lui, déjà aluni deux avant Armstrong.
Tu sais, mon amour, j'aurai aimé que l'on roule ensemble jusqu'à la Lune, nous aussi. La fille perdue, c'est toi, la fille malheureuse, c'est toi. Et ensemble, sur les cantiques des Portes de la Perception, on aurait pu s'élever bien plus que les sept cieux, mais tu en auras décidé autrement. Strange Days aura nourri mon amour pour toi, il aura aussi su soigner le spleen que tu auras crée.
La pluie coule sur mes joues, mais ça ne sera jamais des larmes. J'ai la musique, ma seulE amiE qui est là pour me consoler. Mais une fois la musique finie, que reste t-il ?
Je t'aime encore, et à jamais.
A toutes ces femmes qui m'ont fait succomber et qui ne m'ont pas regardé, à tous ces ouvriers morts pour construire la ville dans laquelle je siège, à tous les poètes assassinés par leur propre talent.