Summerteeth
7.6
Summerteeth

Album de Wilco (1999)

Souvent considéré comme le premier véritable classique de Wilco, j'avoue pourtant avoir un peu de mal avec Summerteeth. J'en ai encore plus après avoir découvert Being There, puisque j'ai maintenant le sentiment de voir une régression là où auparavant j'imputais le relatif manque de consistance de Summerteeth à la jeunesse du groupe et au tâtonnement avant l'aboutissement de Yankee Hotel Foxtrot. Mais non car Wilco était déjà capable d'écrire de grands morceaux, lumineux, aux arrangements riches et uniques en leur genre. Ce qui n'est plus le cas sur Summerteeth, le groupe revenant à une musique plus simple et immédiate, avec une succession de chansons qui dépassent rarement les quatre minutes.


Ce qui me pose le plus de problème avec Summerteeth, ce n'est pas tant la qualité des morceaux, qui reste dans le domaine du très bon, mais davantage l'identité même de l'album qui manque étrangement de cohérence et de personnalité. J'ai toujours du mal à expliquer ce paradoxe qui n'est pas propre à Summerteeth, puisque j'ai le même souci avec X/O d'Elliott Smith, le genre de disque sans doute trop parfait, ou plutôt trop propre, trop carré, sans véritable transgression ou petit grain de folie dans l'écriture, malgré une solidité évidente. Ce paradoxe est encore plus agaçant car on ne peut pas dire que ce sont de mauvais albums, bien au contraire, mais d'un autre côté je n'arrive pas à accrocher malgré les écoutes et la qualité évidente de certaines chansons.


Pour en revenir à Summerteeth en particulier, je pense que mon souci trouve une explication dans les deux éléments suivants : les chansons sont trop courtes et elles sont trop nombreuses, l'album durant plus d'une heure avec deux titres plus ou moins cachés, dont le dernier est une version alternative de la troisième piste. On se retrouve ainsi avec une dynamique très linéaire d'un bout à l'autre, avec des structures de chansons similaires et très peu de ruptures de tons. Summerteeth ressemble à une collection de morceaux indépendants les uns des autres, sans véritable fil rouge, sans identité sonore bien définie, à part une énergie pop rock bien calibrée.


Prises une par une, les chansons sont bonnes, voire très bonnes pour certaines, mais l'ensemble ne fonctionne pas autant. Si la notion d'album semble de moins en moins pertinente, étant donné les nouveaux modes de "consommation" musicale, j'avoue y rester toujours autant attaché, presque de manière inconsciente finalement puisqu'une compilation de bonnes chansons ne suffit visiblement pas à faire un bon album que j'aime écouter (que j'ai l'habitude d'écouter surtout, c'est à dire qui puisse déclencher le fameux réflexe moteur - très sélectif - qui me pousse à prendre un album quand j'ai envie d'écouter quelque chose).


Un album (les meilleurs), à mon sens, répond à une logique interne, à une dynamique ponctuée de moments forts, de descentes et de remontées, de ruptures, qui apparaissent souvent d'elles-mêmes ou sont mûrement réfléchies par les artistes mais qui, quoi qu'il en soit, définissent l'identité de l'album et permettent de l'appréhender, de le comprendre et de se l'approprier. Quand cette dynamique est absente l'album perd un peu de son âme et paraît trop linéaire et monotone, malgré les qualités qu'il peut avoir par ailleurs. C'est un peu le cas de Summerteeth : les chansons ne se nourrissent pas les unes les autres, elles n'ont pas ce supplément qui lie parfois des morceaux qui, bien que différents, dégagent l'impression souvent ineffable d'avoir été composés dans un même élan d'inspiration.


Tout cela pour dire une nouvelle fois que Summerteeth est une jolie collection de chansons attrayantes, à défaut d'être terriblement attachantes. Le groupe livre ici son album le plus pop, celui qui se veut le plus accessible et accrocheur, sans envolées expérimentales, ni de saveurs trop countrisantes, ce qui explique son manque de personnalité. C'est dommage car le disque démarre très bien : dès la première écoute, il est facile d'être conquis par l'énergie communicative de Can't Stand It qui demeure une des meilleurs chansons purement rock de Wilco. Les trois morceaux suivants sont tout aussi bons, alternant mélodies douces et lumineuses (She's A Jar, We're Juste Friends) et rock plus enlevé (Shot In The Arm), avec une efficacité et une sensibilité indéniables.


Je suis d'ailleurs longtemps resté bloqué sur ce début d'album fantastique, ne comprenant pas pourquoi je n'arrivais pas à accrocher au reste, comme si la suite n'était qu'un interminable trou noir. Avec le recul et tout ce que j'ai déjà dit, je ne pense pas que les autres chansons soient si mauvaises, c'est juste que le format court couplé à un nombre élevé de titres - parfois moins inspirés (à l'image des classic rock à la Wilco : I'm Always In Love, Nothing'..., ELT et Candy Floss) - entraîne une certaine redondance et de légers passages à vide qui endorment facilement l'attention de l'auditeur le plus averti. Et c'est dommage car en étant attentif on tombe sur quelques merveilles dignes du Wilco le plus lumineux, quelque part vers le milieu du disque.


How To Fight Loneliness est une tendre ballade mélancolique très simple et dépouillée, tandis que Via Chicago prend la relève avec une instrumentation tout aussi rustique mais aux intonations plus bucoliques et contemplatives, soulignées par de sublimes notes saturées de guitare électrique, pour ce qui est d'ailleurs et sans surprise le titre le plus long de l'album. My Darling est également une très belle chanson, qui présente sans doute les arrangements les plus psychédéliques, avec un traitement très onirique du chant. Wilco se démarque finalement davantage avec ses titres les plus mélodiques, mais cela n'est pas surprenant car je trouve que le groupe n'a jamais vraiment réussi à tirer son épingle du jeu avec ses titres basiquement rock, à part quand il trouve des rengaines qui claquent bien comme Can't Stand It, ce qui est relativement rare.


S'il fallait donc vraiment cibler le problème de Summerteeth, c'est le choix d'un album plus pop, avec des titres plus courts et concis, format où le talent de Wilco s'exprime moins à mon sens. C'est d'autant plus criant sur ce disque car les chansons plus courtes et plus classiques ne sont pas vraiment compensés par des titres plus longs, et/ou plus aventureux et expérimentaux comme c'est le cas sur la plupart des autres albums du groupe. Les seuls morceaux qui sortent du lot, les plus mélodiques et touchants, sont finalement mis, de part leur longueur, sur le même pied d'égalité que les autres et ne tranchent donc pas suffisamment pour apporter la personnalité nécessaire au disque.


Il aurait peut-être fallu retirer les titres les plus randoms (je pense notamment à I'm Always In Love, Nothing', ELT, Candy Floss et le morceau final) pour que chaque chanson puisse mieux respirer. Dans ces conditions, Summerteeth aurait sans doute eu plus de liant et de consistance tout en conservant une durée très convenable (un peu plus de quarante minutes).

benton
7
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le 13 sept. 2016

Critique lue 173 fois

benton

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