Vers 1985, Fleetwood Mac n'est un groupe que sur le papier. Tous les membres se sont dispersés, Lindsey Buckingham fait du post-punk expérimental en solo, Stevie Nicks du mysticisme synthétique salué au hit-parade, Christine McVie sort son deuxième album solo, John McVie fait du bateau et Mick Fleetwood du Mick Fleetwood.

Ces cinq personnages vont être appelées à se réunir une dernière fois, sur le chant du cygne d'une des formation les plus influentes des années 1970 et 1980. Aujourd'hui, nous allons parler de Tango In The Night, quatorzième album studio du groupe, sorti chez Warner le 13 avril 1987.


Fleetwood Mac est une formation à l'histoire compliquée, après des débuts bluesy en compagnie du guitariste Peter Green, après une transition déjà plus orientée soft rock, personnifiée par le guitariste Bob Welch, le groupe arrive à sa forme la plus connue, par l'accueil de la chanteuse Stevie Nicks et du guitariste-chanteur Lindsey Buckingham fin 1974. Cette moulure signera les albums les plus renommés du Mac, et des hits d'un succès presque insolent. Cependant, les relations internes du groupe ne sont jamais au beau fixe, ce qui inspirera les compositeurs pour l'assemblage de Rumours, toujours compté aujourd'hui dans les albums les plus vendus au monde.


1979, le Mac emprunte une route plus expérimentale. Mené par Buckingham, il semble bien décidé à ne pas livrer un Rumours 2. Cela donne Tusk, gargantuesque effort d'un groupe déjà à bout, et victime d'excès de plus en plus incontrôlables. Un semblant de calme semble revenir pour Mirage, enregistré en France en 1982, calme expliqué par le désintérêt royal de tous les membres pour le travail en cours. Tous ont le coeur ailleurs, en solo ... (sauf John McVie, sur son bateau).


En novembre 1985, Lindsey Buckingham commence à élaborer un nouvel album solo, projet qui se transforme vite (et un peu contre sa volonté d'ailleurs) en album de Fleetwood Mac. Au bout de dix-huit mois de travail, coproduit par Buckingham et Richard Dashut, Tango In The Night sort, et il s'agit du second plus grand succès du groupe, après Rumours. La majorité des singles passeront beaucoup en radio, et passent encore d'ailleurs. Il s'est pas mal vendu, moins que Rumours, mais plus que Tusk et Mirage. Classé partout dans le monde, que nous propose donc ce disque assez mésestimé ?


C'est indubitablement le showcase de Lindsey Buckingham, le sous-estimé guitariste, qui signe ici sept chansons, dont trois seul, et de Christine McVie, l'élégante claviériste, signant ici cinq chansons, deux seule. Ce sont eux qui porteront le projet, en lui insufflant un souffle spécial, et indubitablement tubesque.


Buckingham signe la superbe introduction, "Big Love", particulièrement intéressante et entraînante, la rêveuse "Caroline" ou la brumeuse "Tango In The Night", mais également le funk synthétique (et superbe point fort, n'en déplaise à Uncut, l'ayant qualifié de "funk insipide"...) "Family Man". Il chante également sur la dernière piste de l'album, "You And Me Part II", dont la partie I figure en face B du single de "Big Love".


C'est cependant Christine McVie qui sort grande gagnante, elle signe "Everywhere" et "Little Lies", deux des plus grands hits de la décennie 1980, qui sont d'ailleurs, et c'est à souligner, deux chansons très réussies, "Little Lies" arrivant même à montrer un groupe uni... ou presque !

Elle est également flamboyante sur la superbe "Isn't It Midnight", Tango In The Night est le retour en force de Christine McVie, en certain retrait depuis l'arrivée de Buckingham et Stevie Nicks.


Tiens, parlons en de Stevie ! Elle est très en retrait ici, et pour une bonne raison. Elle sort d'une lourde addiction à la cocaïne, qu'elle a remplacé par de la Klonopline, un puissant tranquilisant. Elle est donc ici, mais pas vraiment là. La mystique du Mac parvient quand même à chanter "Seven Wonders", paroles brumeuses sur une rythmique heavy pop 80's classique, un hit (encore!), et deux autres chansons moins convaincantes, "Welcome In The Room ... Sara", tirée de son expérience de désintoxication (Sara Anderson était son pseudonyme à l'hôpital), et la ballade molassonne "When I See You Again", me faisant beaucoup penser au "That's Alright" de Mirage.


Sorti sous sa pochette assez fantastique (dans les deux sens du terme) de Brett Livingstone-Strong, sans doute fortement inspirée par Henri "Le Douanier" Rousseau, Tango In The Night représente la fin d'une époque. En effet, on ne reverra jamais le line-up dit classique du Mac sur un album... C'est bien la fin de quelque chose, d'une alchimie parfaite entre des personnes très différentes. Cet album est un écrin, contenant de véritables diamants, les derniers de Fleetwood Mac.


Pourri de l'intérieur par la mauvaise ambiance, Buckingham ne sent pas de défendre l'album durant une nouvelle tournée mondiale. Cela provoque la fureur de Stevie Nicks, et cela dégénéra durant une réunion chez Christine McVie, où Lindsey s'engueula avec tout le monde, et partit en claquant la porte.


Concernant cette fameuse tournée, le groupe s'empresse d'engager deux nouveaux gratteux (un ne pouvant supplanter le génie guitaristique de Lindsey), Billy Burnette et Rick Vito, qui joueront également sur l'album suivant, Behind The Mask, en 1989.


Comme l'a reconnu plus tard Mick Fleetwood, aucun des crédits artistiques ne sont revenus à Lindsey Buckingham, qui a pourtant mis sa volonté et son talent au service d'un groupe dans lequel, au fond, il ne croyait plus. Lindsey et le Mac empruntent donc des chemins opposés, ils se recroiseront, mais ça, c'est une autre histoire ...


Tango In The Night, ultime triomphe d'un groupe à l'agonie, le libertango de Buck.


Lien vers ma chronique de Mirage

https://www.senscritique.com/album/Mirage/critique/249673597


Tango In The Night, full album

https://www.youtube.com/watch?v=gU62pLxtbYk&list=PLVMgMdYqIEkbdfTDPswlA5vV9BuixTsZB


"Ooh My Love" chanson de Stevie Nicks, écartée du tracklisting final (état vocal assez déplorable, mais rythmique géniale). La belle la réengistrera pour The Other Side Of The Mirror, son album solo de 1989...

https://www.youtube.com/watch?v=53SSoF1LVQM


"Everywhere"

https://www.youtube.com/watch?v=YF1R0hc5Q2I


"Little Lies"

https://www.youtube.com/watch?v=uCGD9dT12C0


"Big Love"

https://www.youtube.com/watch?v=4hPv6EuV7dM

lyons_pride_
9
Écrit par

Créée

le 23 mai 2022

Critique lue 73 fois

1 j'aime

lyons_pride_

Écrit par

Critique lue 73 fois

1

D'autres avis sur Tango in the Night

Tango in the Night
lyons_pride_
9

Le Dernier Tango

Vers 1985, Fleetwood Mac n'est un groupe que sur le papier. Tous les membres se sont dispersés, Lindsey Buckingham fait du post-punk expérimental en solo, Stevie Nicks du mysticisme synthétique salué...

le 23 mai 2022

1 j'aime

Tango in the Night
Hervé_Bertsch
9

Critique de Tango in the Night par Hervé Bertsch

"5 ans, c'est la première fois que Fleetwood Mac met autant de temps pour sortir un nouveau disque après le décevant "Mirage". Les principaux compositeurs ont entretemps poursuivi leur carrière solo...

le 7 août 2023

Du même critique

Station to Station
lyons_pride_
10

Throwing darts in lover's eyes

53 kilos, régime à la coke, aux poivrons et au lait, croyant voir des fantômes venus de la part des Rolling Stones dans sa grande villa de L.A., voilà à quoi ressemble le David Bowie de 1975...

le 13 déc. 2021

6 j'aime

2

Pop Satori
lyons_pride_
9

Reflet de son époque

Notre pays est parfois plein de bonnes surprises, Etienne Daho en est une. Surnommé "le Parrain de la french pop" par ses admirateurs ou "l'Aphone" par ses détracteurs, Daho est une marque, et...

le 16 janv. 2022

5 j'aime

Tout va sauter
lyons_pride_
9

Nos Allures Sages

Couple culte et pourtant méconnu, Elli & Jacno représentent un des sommets de la nouvelle pop française. Icônes de classe, reconnus par bien de nos contemporains (comment ne pas citer ce cher...

le 27 déc. 2022

4 j'aime