The Epic
7.6
The Epic

Album de Kamasi Washington (2015)

Un album à l'image de sa pochette : épique et voyageur

Kamasi Washington, saxophoniste, sort cette année son premier album. Un album qui de prime abord se fait remarquer par deux points particuliers : sa longueur et sa pochette.


Pour sa longueur, il faut savoir que "The Epic" dure trois heures, et se décompose sous la forme de 3 CDs. Ce qui, mine de rien, à de quoi dérouter l'auditeur avant même de lancer l'écoute.
Mais dans le monde musical actuel, produire un si long disque est un pari. Un pari très risqué certes, mais un pari intéressant.
Dans notre époque où la musique se consomme quotidiennement (à la radio, dans les transports en communs, dans des pubs, des magasins, ...) dans sa forme la plus primaire (morceau court, couplet - refrain, accessibilité facile), sortir d'un coup et d'un seul 3h de musique est un défi (je ne suis pas le premier à en parler comme tel).
Un défi que l'auditeur courageux ira même jusqu'à ritualiser à sa façon. Choisir le moment opportun, l'ambiance adéquate, ... "The Epic" n'est pas un album qu'on se balance sous le coude quand on a un peu de temps libre.


Pour sa pochette, elle fait pour moi partie des plus belles qu'il m'ait été donné de regarder, de contempler, d'apprécier depuis quelques temps. A la fois simple et sobre, complexe et épurée, elle représente complètement la musique que l'on va retrouver dans ces trois heures. En deux mots : épique et voyageuse. Et si au premier regard on ne sait pas trop à quoi s'attendre, on s'imagine déjà avec raison que l'instrument maître du disque sera le saxophone (Kamasi Washington étant saxophoniste, on n'avait de toutes manières pas à aller jusque là pour le deviner). Mais la prouesse est réussie, et tout l'album ne tourne pas qu'autour de l'instrument bien heureusement.


Pour parler musique, on a ici affaire à un album de jazz étincelant de modernité. Ce n'est pas un genre musical que j'ai pour habitude d'écouter, et n'ai pas vraiment la prétentation de m'y connaître, au contraire (passé Coltrane, Davis et Hancock mes connaissances sont limitées). Mais ici, contre toute attente, on ne s'ennuie pas un instant, les trois heures filent et coulent comme une histoire bien ficelée. Bien naturellement, si j'avais passé l'intégralité de l'album dans mon canapé, assis, à écouter des trois oreilles sans rien faire d'autre, le ressenti aurait été sensiblement différent, mais c'est une autre histoire.


Les trois disques oscillent donc entre longs instrumentaux et courts titres chantés. Dans la seconde catégorie, on retiendra surtout le fabuleux Henriette Our Hero et ses sublimes choeurs féminins. Mais Kamasi ne s'arrête pas là, et place sur ces (seulement) 7 minutes de bonheur un orchestre qui ajoute une dimension baroque à cette petite pépite. Intensité musicale inouïe sur Magnificient 7, délire funky et quasi dansant sur un Re Run Home à la basse groovy et au rythme exotique, introduction grandiose en guise d'entrée en la matière sur Change of the Guard, changement de rythme accompli sur le très sexy The Rythm Changes (quelle coïncidence !), ..., cet album est d'une richesse à tomber. Et s'il n'y avait pas quelques faiblesses cachées à quelques endroits (par exemple Isabelle, un peu trop long et sans trop de saveur, ou des longueurs sur The Message), on serait en droit de jalouser personnellement Kamasi pour avoir réussi à ne sortir que de la perfection sur presque trois heures de temps, et ce dès le premier album en plus.


Pour finir, je dirais simplement que "The Epic" est une sorte de fresque qu'on observe au cours du temps, se laissant emporter au gré des émotions. Et malgré quelques petites faiblesses par-ci par-là, on sera surpris à la fin des 3 heures de ne pas avoir vu le temps passer. On en sortira même avec un léger rictus de bien être, entouré d'un cocon auditif à la fois funky et jazzy.
Et au fond, je réalise seulement maintenant : je ne fais pourtant pas partie des plus friands de jazz (cependant sans que cela ne me dérange aucunement), et pourtant notre cher Kamasi Washington a réussi à m'en faire écouter trois heures durant sans même que je ne m'en rendre compte. Et ça, si ce n'est pas du génie, je veux bien savoir ce que c'est !

Roulie_Luc
8
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le 5 mai 2015

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Roulie Luc

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