The Fly (OST)
7.5
The Fly (OST)

Bande-originale de Howard Shore (1986)

Moins connu qu'un Ennio Morricone ou un John Williams dans l'esprit du grand public en matière de bandes originales de films, la carrière d'Howard Shore n'en est pas moins pourtant grandiose et comporte assurément son lot de pépites. Le fait est qu'à la manière d'un peintre en travaillant souvent des tons sombres, Shore est probablement bien moins fédérateur d'emblée que des compositeurs plus lyriques même si le bonhomme est également possible quand il le veut de le devenir, en témoigne les réussites que sont les compositions effectuées pour les trois volets de la saga du Seigneur des Anneaux pour Peter Jackson.


D'une certaine manière il faut distinguer aussi bien son oeuvre aux côtés de David Cronenberg dont il est probablement le compositeur/acolyte le plus fidèle (avec la regrettée Denise Cronenberg, soeur du réal qui s'occupait des costumes sur ses films) que son oeuvre musicale pour le cinéma en compagnie d'autres réalisateurs (sa patte est immédiatement reconnaissable sur un "Se7en" ou un "The game", tous deux de David Fincher (1)), mais dans les deux cas pour moi la bande originale de "La mouche" est son chef d'oeuvre et probablement son apogée (même si il a livré des trucs fabuleux également après pour Cronenberg comme d'autres réals bien sûr hein).


En étroite collaboration avec le réalisateur canadien, Shore conçut la musique à la manière d'un opéra tragique (La mouche fut d'ailleurs joué bien plus tard en opéra en juillet 2008 au théâtre du Châtelet ...basé sur le film de Cronenberg), ce que le film est d'ailleurs d'une certaine manière (2) mais on pourrait tout aussi bien le dire de Faux-semblants (3) ou M.Butterfly. Sauf que Shore n'atteint pas le même niveau d'émotion dans ces films avec Cronenberg, ce n'est d'ailleurs pas le but recherché d'une certaine manière.


Mais dans la bande originale du film de 1986, Shore abat toutes ses cartes et l'ensemble est d'une richesse formidable porté en cela par l'orchestre philarmonique de Londres. Comment ne pas y voir déjà la continuité de ce qu'il fit déjà auparavant avec le réalisateur canadien dans ces mêmes mélodies mélancoliques qui traitent de la solitude d'un personnage et qu'on entendait déjà de fort belle manière sur "The Brood" (Chromosome 3) ou "Scanners" mais avec un lyrisme décuplé.


Dès le "main title" tout est dit : Fascination et terreur, inquiétude et magie. La musique retranscrira à merveille la beauté presque divine d'une science avancée (le telepod du film qui devait permettre la téléportation) qui pourtant brûlera les ailes de son Icare/mouche de scientifique. Et tout le reste est à l'avenant avec ce thème principal qu'on retrouve zigzaguant d'un endroit à un autre sans que Shore ne resserve platement de simples variations. Osons une métaphore un brin spoiler pour ceux qui ont vu le film : la musique d'Howard Shore sont les ailes émotionnelles de cette créature/mouche qui n'atteindra jamais son stade final.


Sur "Seth goes through" (scène où Seth Brundle, notre Jeff Goldblum à nous-qu'on-aime teste sur lui le telepod...) on ressent à nouveau cette inquiétude mêlée de fascination tandis que de petites percussions se font jour. "The armwrestle" (la scène du bras de fer) fait ressortir génialement ses notes de violons en echo, terrifiantes et qui pourraient tout aussi bien ressurgir de The brood. "The street" par sa flûte amplifie les quelques instants calmes et magique de la relation amoureuse entre Seth et Veronica. Et le reste des compos de nous achever avec une noirceur musicale qui se fait moins entendre de nos jours dans le cinéma ou probablement pas forcément de cette manière si émouvante et à fleur de peau... Eminemment sincère.
...Jusqu'au thème du générique final, royal, grandiose, brillant, en contrepoint et pourtant si parfait qui parachève comme une synthèse presque tout le film en étant toujours juste.


Oui un chef d'oeuvre de la bande originale de film et l'une des meilleurs oeuvres d'Howard Shore. ❤


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(1) Ces fameuses variations ténébreuses orchestrales qui montent en puissantes nappes et dont Shore a le secret, je ne m'en lasse pas.


(2) Dans le passionnant livre d'entretiens que Serge Grunberg consacre à Cronenberg ce dernier expliquait que si l'on retirait le postulat horrifique de la métamorphose de cette homme en une créature inhumaine, on obtenait avec le recul plus une histoire d'amour tragique où une femme voit en fait mourir de maladie l'homme qu'elle aime. Un excellent angle d'approche je dois dire qui résumé intelligemment ou disons d'une autre manière ce drame à la fois cérébral et physique qu'est "La mouche".


(3) De mon humble avis, LE chef d'oeuvre traumatisant de Cronenberg. Curieusement la partition de Shore y est plus douce, presque distante. L'efficacité tétanisante du film n'en ressort que décuplée.

Nio_Lynes
9
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le 23 nov. 2020

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