Voici un aspect souvent moins connu de l’œuvre de John Zorn, dans la série des « Archives » un volet est entièrement consacré à l’orgue, elle se nomme « The Hermetic Organ », voici le vol.8 « For Antonín Artaud » sorti en octobre 2019.
L’orgue est souvent associé aux instruments austères, surdimensionnés et sacrés. Il faut aller à lui, faire une démarche et, quand on s’appelle John Zorn, il est parfois difficile d’en obtenir l’accès. Arrivé en Slovénie dans le but d’enregistrer cet album il s’est vu plusieurs fois refuser l’autorisation de jouer dans les églises, accusé de croire « en des pouvoirs surnaturels » et plus probablement de ne pas avoir la « bonne » religion.
C’est donc au « Gallus Hall » le plus grand centre de congrès de Slovénie à Ljubljana qu’il va effectuer cet enregistrement. Je ne saurais me prononcer sur le concept en lui-même, il m’a semblé toujours surprenant de vouloir enregistrer l’orgue, l’impression qu’aucune technique d’enregistrement ne saurait rendre sa force, son ampleur et sa majesté à une aussi grosse machine, à un souffle aussi puissant. Donc, je monte le son !
Déjà un défi pour John, il joue de l’orgue et, par moments (les plus délicieux) du saxophone alto… en même temps ! Du coup le corps en entier se déploie sur les touches qu’il attrape par nappe, coude, avant-bras et même les pieds dit-on. Je ne regrette pas la démarche d’achat, bien au contraire, le parti-pris de John Zorn, inspiré par l’esprit d’Antonin Artaud, celui qui créa le « théâtre de la cruauté » et influença les « situationnistes », de juxtaposer des masses sonores ou de les empiler pour dramatiser la musique est habilement mené, ainsi la douleur et la « folie » du sieur Antonin transparaît au travers de la seconde composition « The Extreme Point of Mysticism », treize minutes juste démentielles.