The Ooz
7.1
The Ooz

Album de King Krule (2017)

Success story of the month : a weakling ginger from East Dulwich (London) who got fired from every school he attended sells now thousands of albums. Read below how that smoky freaky boy reached international success with his (...)


Ok. OK. On reprend à zéro. Comment en est-on arrivé là ? Comment un personnage réservé jusqu'alors aux tumblr girls qui touchent moins mille en haute école d'architecture est-il parvenu à se hisser au rang de musicien le plus attendu de la rentrée deux mille dix-sept ? Car, de vous à moi, King Krule, c'est un peu le Mac Demarco anglais, avec la guitare, la renom et la puérilité en moins. Mais c'est justement sur la facette sombre et apathique de sa personne que King Krule joue. Et gagne.


Archy Marshall - de son vrai nom - n'en est pas à son coup d'essai m'voyez. Il construit depuis maintenant une dizaine d'année un univers morose à travers ses nombreux alias, publiant inlassablement des sons qui appellent un auditorat assoiffé de sobriété toujours conséquent. The Ooz marque aujourd'hui sa véritable percée sur la scène internationale. 6 Feet Beneath the Moon, premier album officiel de King Krule sorti en 2013, avait déjà reçu un bon accueil, quoique modeste, qui annonçait alors la tempête que serait son second album. 6 Feet Beneath the Moon était intriguant et témoignait d'une créativité certaine, mais King Krule était encore une affaire de connoisseur, le genre de truc que les étudiants en art se recommandent entre eux après deux rails de coke coupée au doliprane, de quoi tenir pour finir en rush la maquette dont la deadline approche désormais à grands pas. Puis, le bouche-à-oreille s'amplifiant (on parle d'un artiste dont XL Recordings fait la promo, hé), 6 Feet finit par accéder au rang d'album semi-culte au sein de la jeunesse anglaise. Autant donc vous dire que la hype générée par The Ooz est tout à fait justifiée. Mais The Ooz, qu'est ce que c'est au juste ?


The Ooz, c'est une porte. Une porte vers l'esprit angoissé et torturé d'un gamin qui, fort heureusement, a pas mal de trucs intéressants à raconter. L'écriture aurait été un art qui lui siérait à merveille, son allure de poète maudit étant en cause. Mais l'appétit insatiable d'Archy Marshall pour le post-punk, le jazz, les crooners du siècle passé ou Fela Kuti l'a dirigé vers une carrière de musicien. The Ooz est donc un recueil musical, invitant son auditeur dans un monde empli de noirceur et de buildings menaçants, condensant les influences précitées dans un trip hop jazzy et abstrait tout à fait lugubre. Des notes de jazz délivrées par le saxophone d'Ignacio Salvadores viennent donner une teinte encore plus noire à la voix du rouquin baryton, assouplissant par la même occasion la rigueur de son processus créatif, lui rendant une légèreté bienvenue. Attendez ... Ignacio Qui ? Oh, juste un quelconque musicien de rue recueilli par King Krule, après que ce dernier ait aperçu une vidéo de lui jouant dans un coin perdu de la capitale anglaise pour gagner sa croute. Un chic type ce Krule. Pour le reste, on a des percussions profondes, un jeu de basse poli et enflammé, quelques guitares jangly par-ci par-là, une note de synthétiseurs et de claviers en tout genre, bref une section instrumentale variée, aidant à donner de la profondeur aux compositions rigoureuse du jeune homme.


Quand l'ambition se marie à la complexité, le résultat ne peut être que bon, n'est ce pas ?


Oui. Très bon. Du moins, pour la majorité du public, qui ne cesse d'encenser The Ooz depuis maintenant le 13 octobre. Car avec toute la bonne volonté du monde, ma passion pour l'album s'arrête à l'impression de chef d'oeuvre colossal tant attendu que donnaient les idées sur papier. Le produit final n'a su trouver en moi, en effet, un auditeur conquis. Certains tracks sont à la hauteur de mes attentes : Biscuit Town entame les hostilités de façon brillante, avec sa voix sortie d'outre-tombe scandant des paroles sur un trip-hop à la basse très détaillée ; Dum Surfer poursuit sur un refrain entêtant, apportant un peu de lueur au sein de cette fête mortifère ; Emergency Blimp et Vidual relèvent l'album avec leurs sonorités post-punk horrifiques, à la limite de la no wave ; Half Man Half Shark continue sur cette lancée avec un jazz-rock endiablé, le slap sautillant de la basse contrastant avec les paroles nihilistes crachées par Archy ; La Lune calme finalement les ardeurs par sa mélodie de guitare claire et reposée. Mais ces quelques éclairs de génie sont peu nombreux face à l'armée de tracks médiocre qui viennent polluer l'écoute de The Ooz. Une heure et sept minutes, c'est qu'il faut être bien préparé pour tenir éveillé une audience. Couper une demie heure de la tracklist pour la publier plus tard sous forme de démos/inédits eut été un choix plus judicieux, et The Ooz se serait rapproché un peu plus de l'album fabuleux que j'espérais. Interludes passable, abstraction intense, voix cosmiques qui viennent de nul part, rythme qui s'embourbe dans des slams insupportables ou des instrumentations creuses, voilà les défaut de l'album. Et ces failles alourdissent The Ooz à un point tel que son écoute en devient un fléau par certains moments. L'ataraxie n'est pas une maxime s'appliquant à la musique dirait-on, une succession de bon et de mauvais engendre le moyen, et non pas le bon.


Alors, histoire de résumer mes sentiments envers l'album, il est fascinant par biens des aspects. Que ce soit l'utilisation de la voix ou l'atmosphère génialement pesante et anxiogène, King Krule a réussi à assouvir ma curiosité. King Krule produit une musique sincère, qui lui vient du plus profond de ses entrailles. Mais ses créations, bien qu'attrayantes, deviennent fort rébarbatives lorsqu'elle me parviennent sous un format aussi long. The Ooz ne sera jamais l'un de mes albums de chevet. Ce qui aurait pu être l'album de l'année souffre d'une exécution boiteuse et un tantinet lassante, brisant toute la magie si durement concoctée par le jeune londonien. Je compte aussi bien laisser le temps faire ; The Ooz n'a pas l'air d'être le genre d'album se laissant digérer avec aisance. Je concède en toute honnêteté que biens des subtilités présentes sur cet album m'échappent encore après une demi-douzaine d'écoutes. Son ambition n'a d'égal que sa complexité : on verra ce que j'en penserai dans six jours, six mois, six écoutes de plus.

Gargantues
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le 18 oct. 2017

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