Green Carnation continue d'évoluer habilement

Le plat singulier et surprenant de A Blessing in Disguise revient au menu du jour sur The Quiet Offspring. Les chefs sont toujours présents (Tchort, Kjetil, Stein) mais les autres cuisiniers habituels depuis le second opus ne sont plus: le batteur A.Kobro est remplacé par un ami de longue date T.Jackson, le guitariste B.Harstad et le claviériste B.Moen laissent leurs places à M.Krumins et K.Silden.

Le combo norvégien ne fait pas complètement peau neuve pour autant et persévère dans son orientation heavy rock atmosphérique, tout en étant toujours inventif et moderne. Et laisse de côté une seconde fois le doom psychédélique d'antan. On s'avancerait même à dire que ce quatrième opus est le moins sombre de toute la discographie (l'optimiste "Between the gentle small and the standing tall").

Pourtant l'entame du disque déçoit. Une rythmique imposante cotoie des plans acoustiques et le résultat n'est pas subtil, voire dérangeant. Certes, le titre éponyme n'est pas mauvais et même si GREEN CARNATION a la volonté de surprendre, il ne s'y prend pas comme on était en droit de s'y attendre. C'est qu'avec les deux albums précédents ancrés dans la tête, on place la barre très haut. Cette petite erreur est à moitié oubliée dès le second morceau avec son départ limite grunge (rappelant NIRVANA) et son court passage au clavier relaxant en sa moitié. On est peut-être pas complètement rassuré mais la qualité proposée est tout de même d'un niveau élevé.

Puis petit à petit, la déception s'estompe au profit d'un enchantement qui se dévoile au fur et à mesure. "Just when you think it's safe" va en ce sens grâce à son refrain mélodique et son solo excellent (qui se remarque car les solos sont rarissimes sur cet opus). Les trois titres passés, un constat s'impose et nous permet de relativiser. En premier lieu, la production organique de Terje Refsnes, rendant hommage à chaque instrument, est impeccable (le groupe a enregistré à Marseille au Sound suite avec un mastering HRS en 48 bits). D'autre part, les sonorités typées années 70 du clavier sont fort plaisantes (l'esprit de DEEP PURPLE est bien présent) et les refrains sont accrocheurs (aucun faux pas en la matière pour l'intégralité du disque). Avec moins d'angoisse, on se replonge dans un univers heavy rock indé à la fois mélodique (les harmonies vocales de Kjetil), progressif (même si le format moyen des titres ne dépasse pas les cinq minutes) et mélancolique (plus rare cette fois).

La galette terminée, on se dit que l'on aurait tort de bouder un tel éclectisme, avec ces ambiances pluridimensionnelles tour à tour enjouées et profondes.Et plus tard, avec le recul, on arrive à scinder The Quiet Offspring.

La partie électrique est ainsi la plus importante. Outre les trois premiers titres, quatre autres sont de la même mouvance. "The everlasting moment" (avec une grosse rythmique omniprésente) et "Dead but dreaming" (avec un chant limite écorché) ont des refrains irrésistibles. "Purple door, pitch black" délivre le second solo de guitare de l'opus et "Pile of doubt" est résolument heavy malgré la présence imposante mais réjouissante du clavier.

La partie émouvante et sombre ne se retrouve véritablement que sur deux titres intimement liés mais séparés. "Childsplay part I" débute avec un violon qui laisse place à la guitare acoustique et au clavier qui nous plonge dans une atmosphère "aquatique". Atmosphère que l'on retrouve en toute logique sur "Childsplay part II" qui clôture l'album de belle façon. Le piano de la deuxième partie est même jazzy (contradiction qui cette fois ne tranche pas de manière osée). Pour l'anecdote, c'est B.Moen, l'ancien claviériste, qui a écrit cette chanson un soir en testant des sons. Bien lui en a pris.

Enfin la troisième partie est un mélange entre le côté éléctrique et le côté acoustique.Deux compos en sont l'objet."A place for me" nous met tout de suite dans un climat nostalgique avec sa sonorité "vinyl" pour un départ au piano suivi de la voix a capella de Kjetil (accompagné de maniére fort discréte par un violon). La lente progression qui suit mélange le chaud et le froid. Selon le chanteur, c'est le morceau qui a le plus évolué en studio.

Mais le joyau de The Quiet Offspring s'appelle "When I was you". Du fait que c'est le titre le plus long de l'album, l'auditeur a le temps de se laisser porter par l'apaisement initial et se réveiller lors de l'excitation finale. On note la guitare "pinkfloydienne" du début et une basse bien sentie. Le son des guitares qui prennent le relais font irrémédiablement penser à du ANATHEMA et la voix plaintive fort réussie de Kjetil évoque la façon de chanter d'un M.Bellamy (MUSE).

La pochette, signée par N.Sundin (celle magnifique de Light of Day, Day of Darkness c'était déjà lui), possède un visuel inspiré mais quelque peu étrange (on peut rapprocher d'ailleurs le personnage à celui de l'extra-terrestre de S.Spielberg). Idéal pour attirer la curiosité de l'auditeur avide d'une musique qui se joue des carcans metal.

Deuxième et dernier album sous contrat auprès du label Season of Mist, GREEN CARNATION ne veut pas s'imposer de contraintes qui pourraient entraver son avenir. Il évolue au gré de ses envies. On ne pourra pas lui en tenir rigueur une nouvelle fois avec un The Quiet Offspring qui au final s'avère bluffant.

8,5/10

Renaud-Strato
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le 16 oct. 2022

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Renaud-Strato

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