Pierrick Pédron – The Shape Of Jazz To Come (Something Else) – (2024)
Pierrick Pédron n’est pas pour moi un inconnu, écouté lors de concerts télévisés, y compris dans un hommage à Charlie Parker où il s’était montré sublime, je connais sa parfaite maîtrise du saxophone alto et sa générosité en concert, le cœur bat fort sous un aspect parfois un poil strict. Je vous ai, en outre, présenté en vingt et un, son album « Fifty-Fifty - New York Sessions ». Lorsque j’appris qu’il avait entrepris de jouer dans sa totalité le célébrissime « The Shape Of Jazz To Come » d’Ornette Coleman, ma curiosité fut de suite éveillée.
C’est le troisième album d’Ornette, après « Something Else!!!! » de cinquante-huit et « Tomorrow Is The Question! », début cinquante-neuf, quelques mois après, en mai sortit notre album avec en porte-étendard le fameux « Lonely Woman » qui fit tant parler de lui. La version ici présentée est fantastique, et par sa différence, et par la justesse de son interprétation, avec un nouvel angle.
C’est qu’il y a un arrière-plan dans cet album qui s’appuie sur les arrangeurs Laurent Courthaliac et Daniel Yvinec, qui ont travaillé les harmoniques de l’album d’Ornette, afin d’orienter celui-ci, particulièrement par la présence du pianiste Carl-Henri Morisset, instrument non présent sur l’album d’origine. Il y a également Thomas Bramerie à la contrebasse et Elie Martin Charrière à la batterie, des fidèles qui tournent ensemble depuis des années.
L’album est donc rejoué dans sa totalité, dans l’ordre voulu par Ornette Coleman, qui jouait également lui aussi, faut-il le préciser, du saxophone alto. C’est évidemment un hommage XXL, mais aussi une réinterprétation globale particulièrement stimulante, qui ne copie jamais son modèle et ne s’en éloigne que pour en souligner un nouveau trait caché, une autre face obscure, une révélation inopinée, rarement les amateurs de cet album auront été autant à la fête avec cette lecture extraordinaire effectuée par Pierrick.
La pochette elle-même dit beaucoup de cette relecture, avec un clin d’œil appuyé envers la pochette originale. Alors forcément l’œuvre de Coleman était un manifeste free, sur une toile de fond hard bop, pas énormément improvisée, lui qui partait souvent, lors des concerts, vers un aventurisme osé et parfois risqué. Les thèmes et les structures sont dans cette nouvelle version un peu bousculés mais pas trop, ou du moins pas tant que ça, tout est changé, modifié, relu, mais tout se reconnaît et se révèle « autre », reconfiguré, mais l’essentiel est là, dans la flamme qui couve, et l’énergie qui percute et même bouscule, pour que le plaisir soit là, réel et entier.
Une performance remarquable !