Transformer
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Transformer

Album de Lou Reed (1972)

L'an 2022 est déjà assez entamée, et cette année nous célèbrerons le cinquantenaire de certains des albums les plus importants de l'Histoire. En effet, 1972 fut un moment crucial dans la musique, les Beatles séparés, les Stones arpentant l'Europe au fil de leurs pérégrinations droguées, l'émergence du glam, les premières prémices punk, l'affirmation du prog... ce fut, comme je l'ai dit, une année capitale.


C'est ainsi que nous allons aujourd'hui aborder Transformer, deuxième album solo de Lou Reed sorti chez RCA et paru le 8 décembre 1972. Lou, comme tout le monde le sait, est un des fondateurs du mythique Velvet Underground (avec John Cale, Sterling Morrison et Maureen Tucker), groupe fantastique repéré par Andy Warhol auquel il ajoute la sombre mais fascinante Nico (avant que les deux ne soient viré en 1968 ...). Cette formation continue d'exercer à juste titre une très forte influence sur de nombreux artistes. Bref, après différents changements de line-up et quatre formidables albums ,The Velvet Underground And Nico en 1967, White Light/White Heat en 1968, The Velvet Underground en 1969 et Loaded en 1970, Lou quitte le Velvet et (?) retourne chez ses parents, avec qui il a toujours exercé une relation compliquée (enfin, c'est vrai qu'envoyer son fils aux électrochocs parce qu'homo, ça ne rapproche pas, Lou abordera d'ailleurs ce thème dans "Kill Your Sons" sur Sally Can't Dance en 1974).


Retourné donc à son point de départ, sa maison natale de Long Island, Reed exerce le métier de comptable (???) pour l'entreprise de son père et s'installe même avec une jeune femme, Betty. Cependant l'appel de la musique ne se fait jamais longtemps attendre, et Lou prend contact avec le producteur Richard Robinson, il veut faire un album.


Avec sous le bras quelques inédits datant du Velvet, lui et le couple Robinson s'envolent pour Londres pour y accoucher de Lou Reed, premier cru solo du dit-chanteur, doté de belles compositions mais horriblement enregistré (on notera la présence de Rick Wakeman et de Steve Howe, respectivement claviériste et guitariste du groupe progressif Yes).


Il va à Londres faire une rencontre décisive, Reed, par l'intermède du couple Robinson est présenté au jeune David Bowie, son fan number one, commençant à connaître le succès grâce à son Ziggy Poussière-D'Etoile dont nous reparlerons sans doute. Admirateur de la première heure du Velvet Underground, dont son premier manager Ken Pitt lui avait ramené l'acétate du premier disque, Bowie veut à tout prix produire un album pour Lou Reed, son idole. On ne refuse pas ce genre de proposition, surtout qu'à cette époque tout ce que touche David Bowie se transforme en or (voir All The Young Dudes par Mott The Hoople).


Egalement, début 1972, Reed donne un concert au Bataclan à Paris, en compagnie de Nico ainsi que de John Cale, deux anciens acolytes du Velvet. Touchant témoignage , très unplugged, qu'il serait bien temps de sortir officiellement.


L'enregistrement de Transformer commence, album produit par Bowie et arrangé par Mick Ronson dit Ronno ( Reed le dira très sympathique, malgré le fait qu'il n'ait rien compris à ce qu'il disait, la faute à son accent de Hull, très marqué), son incroyable guitariste des années glam. L'équipe Bowie prendra d'ailleurs totalement en charge Reed à Londres, sa femme Angie lui trouvant un appart et des fringues, Mick Rock (le regretté...) s'occupant des photos, etc ...


L'album en lui même est un pur écrin de glam rock magnifiquement enregistré et produit. La voix et le style de chant de Lou collent si bien à ce style décadent en vogue au début des seventies. On y retrouve deux classiques du répertoire de l'Animal, "Walk On The Wild Side" (inspirée du titre d'un livre de Nelson Algren), retraçant avec une nostalgie dissimulée et une précision chirurgicale ce qu'il a pu voir et apprendre à la Factory de Warhol, sous le prisme de différents personnages. Souvent reprise, jamais égalée, cette piste est un bijou, notamment grâce à l'élégante contrebasse d'Herbie Flowers et à ce charmant saxophone joué par Ronnie Ross (qui fut d'ailleurs le professeur de sax du jeune Bowie durant ses premières années, tu parles d'un renvoi d'ascenseur !). Il y a aussi "Perfect Day", sublime ballade aux cordes libres et aux paroles new yorkaises. "Satellite Of Love", reliquat du Velvet, n'est pas en reste, avec cet agréable piano.


Mais Transformer n'est pas que ballades et oripeaux, c'est aussi du glam bien pailleté, "Vicious", "I'm So Free", "Wagon Wheel", "Andy's Chest" (qui est d'ailleurs ma préférée), et influence cabaret, "Make Up", "New York Telephone Conversation", "Goodnight Ladies". Au fil de ces textes, on se rend compte que cet album est en soit profondément inspiré par New York et sa vie nocturne, comme le fut Lou Reed durant toute sa carrière, néanmoins le travail de Bowie et Ronno donne à cette album new yorkais un arrière goût anglais, le chic côtoyant le dégueulasse au fil des avenues.


Premier réel cru de Lou Reed, Transformer est un succès commercial et critique, qui dégoûtera son auteur qui s'en ira vite réaliser son "film pour les oreilles" dépressif, Berlin, et tout ce qu'on lui connaîtra ensuite, le Rock'N'Roll Animal, Metal Machine Music... Lou Reed ne réatteindra jamais ce sommet commercial, sauf avec le superbe Coney Island Baby en 1976.


Reste Transformer, formidable instantané glam, collaboration rêvée entre deux génies, illustré par cette pochette surexposée de Mick Rock, représentant l'Animal, sa Gretsch et ses yeux cendrés durant ses années londoniennes.


Lou Reed et Bowie sont peut être partis, mais Transformer lui est resté, pour le meilleur et le meilleur.


"Du glam très chic"


Transformer, full album


"Walk On The Wild Side"


"Perfect Day"

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le 26 févr. 2022

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