Alice Coltrane – Translinear Light – (2004)
Nous sommes en deux mille quatre, vingt-six années sont passées depuis le dernier enregistrement d’Alice, « Transfiguration » qui date de mille neuf cent soixante-dix-huit, un live où elle interprétait des pièces de John Coltrane. Mais cet album est bien différent.
C’est son fils et aussi celui de John, Ravi, qui produit l’album et joue des saxophones et parfois des percus. De par son ascendance, il a été souvent « couvé » par les maîtres du jazz qui lui ont apporté savoir et protection, jusqu’à ce qu’il devienne un musicien complet. Mais le tour de la famille n’est pas terminé puisque « Oran », le plus jeune fils, joue du sax alto sur « The Hymn ».
Mais sorti de la famille, on rencontre ici quelques sommités, comme Jack Dejohnette qui joue de la batterie en alternance avec Jeff « Tain » Watts, ou encore Charlie Haden à la contrebasse qui passe le témoin à James Gebus, de temps à autres. Il y a également une chorale, « The Sai Anantam Ashram Singers », qui intervient sur la dernière pièce, « Satya Sai Isha ».
Alice, quant à elle, joue du Wurlitzer, cet orgue particulier, ainsi que des synthés, mais ce dont elle joue le plus, c’est du piano, elle fut en effet la dernière pianiste à officier dans la formation de John Coltrane. Comme toujours chez Alice la musique est spirituelle, la face calme souvent contemplative et intériorisée, elle ne laisse pas s’échapper la flamme intérieure, brûlante et sacrificielle, trop démonstrative ou trop crue.
Alors ici on se tient, sans trop faire de vague, comme sur « The Hymn » qui aurait pu, mais s’arrête à une image de soixante-trois, pour faire court. Pourtant deux titres de John sont repris ici, « Crescent » et « Leo », deux belles pièces avec Ravi au ténor, en hommage à ce qui fut. Quatre traditionnels sont également réinterprétés, Alice s’y est souvent arrêté, à ces pièces anciennes qui racontent les racines, comme « Sita Ram » qui ouvre l’album ou « Satya Sai Isha » qui le ferme.
Les autres pièces sont signées Alice, « Sita Ram » provient « d’Universal Consciousness », « Blue Nile » est issu de « Ptah, The El Daoud ». Alors peut-être regretterons-nous l’absence de la harpe, qui fit tant pour personnaliser le son de sa musique, la rendant inimitable et reconnaissable de suite, mais à l’écoute de « Leo » où elle joue de l’orgue Wurlitzer, on se dit qu’il ne faut rien regretter car l’essentiel est sans doute ailleurs. On remarque également « Walk With Me » et « Translinear Light » le morceau-titre…
La présence des deux monstres, Jack Dejohnette et Charlie Haden participe beaucoup également à la réussite de cet album, sur lequel plane forcément la force de l’esprit, qui transperce la musique sur l’entièreté de ces faces, et les rend impropres au jugement du non-initié.