Oui, c’est vrai, des « guitar heroes » dans le rock et le blues on en a des paquets, souvent justifiés, certains surfaits ou sous-estimés. Heureusement, surtout depuis les années 2000, les femmes se fraient un chemin de plus en plus net dans le blues rock, suivant une précurseuse comme Bonnie Raitt, que ce soit Samantha Fish, Susan Tedeschi, Sue Foley, Rebecca et Megan Lovell de Larkin Poe ou encore Erja Lyytinen...Il y en a de plus en plus, bourrées de talent et c’est tant mieux ! Non, la guitare n’est pas l’apanage viril des mâles texans, Ana Popovic, née en 1976 à Belgrade, nous le montre sur la pochette de cet album de 2011 : la guitare électrique pour seul vêtement, il fallait oser ! Et là, on peut regretter que la pochette format CD nous en fasse quand même perdre une partie de la beauté. Ce 5e album studio a été enregistré à la Nouvelle Orléans et Ana s’éloigne un peu du Chicago blues qu’elle affectionne pour y mêler un soupçon de soul et de rhythm’n’blues. Elle voulait ici privilégier le groove et c’est gagné, jouant moins sur la force et l’énergie pure (souvent un piège du blues rock), elle impose en finesse son feeling, une voix un peu grave qui se plie facilement à cette musique rythmée. Le démarrage se fait à la cool, avec "Fearless blues", suivi d'un titre plus blues rock " Count in me" avec Jason Ricci et son harmonica en invités. Et puis l’excellent "Slideshow" où Ana s’offre un duo en slide avec son second invité, le guitariste louisianais Sonny Landreth, grande classe, mon morceau préféré de l’album. La 2e moitié passe la vitesse supérieure avec des reprises de « Work Song », « Voodoo Woman » (de Koko Taylor) ou encore « Sumer rain » (superbe). Pas grand-chose à reprocher à ce bel album, dégoulinant de feeling et de groove. Quand on lui demande ce que le blues représente pour elle, Ana répond simplement : «Pour moi c'est la beauté des fondamentaux et un instrument ». L’essentiel est dit, pas la peine d’en faire des tonnes.