univrs
7.7
univrs

Album de Alva Noto (2011)

L'écoute de univrs du musicien et artiste contemporain Carsten Nicolai (ici sous le pseudonyme Alva Noto) n'est pas sans rappeler le film 2001 : l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick. A bien des égards et à quelques décennies près, il aurait même pu en être la bande son, si le réalisateur n'avait pas été autant fasciné par la musique classique. En effet, l'Allemand a toujours été attiré par l'expérimentation sonore, et livre avec ce huitième album une oeuvre hyper maitrisée et visionnaire, un peu comme le chef d'oeuvre de Kubrick.


Oubliez tout ce que vous saviez sur la mélodie et les structures rythmiques, ici tout explose, se mélange, revient à une espèce de pâte primitive que l'Allemand manipule ensuite pour en faire quasiment une sorte de post-musique, à grand coups de glitchs à en faire pâlir Autechre de jalousie, de bruitisme assumé et de rythmes détonnants. Car loin de rester dans des abstractions qui pourraient rebuter l'auditeur, chose dans laquelle il excelle également (unitxt, qui forme avec univrs un diptyque assez incroyable, ou encore Transform), Alva Noto est ici formidablement vivant. Ainsi, Uni C m'évoque personnellement la musique que comporteraient les publicités de voitures de l'an 2100, et tout l'album est généralement marquée par cette tension et par cette immersion quasiment physique dans le son, le summum étant atteint sur Uni Deform et son sound-design pachydermique, tout à fait digne d'un Pan Sonic


Cependant, Alva Noto n'est pas que capable de produire une musique extrêmement physique, tant celle-ci se révèle plus conceptuelle que jamais. De même que dans 2001, c'est la machine, le non-humain, qui créée l'angoisse, avec ces sonorités immensément froides et anxiogènes, et surtout ce chef-d'oeuvre post-moderne (et je pèse mes mots) qu'est l'exceptionnel Uni Acronym,Anne-James Chaton récite d'une voix monocorde 208 acronymes faits de 3 lettres dans une performance autant hypnotique que dystopique, appuyée en cela par les non-mélodies synthétiques de Noto. La façon de rendre musicale des sons qui n'étaient aucunement destinés à un tel usage confine au génie, quand Alva Noto déploie vraiment l'entièreté de sa noise électronique, à partir de la moitié de l'album. Et de même que pour les décors de Kubrick, tout apparait ici hors du temps, trop synthétique dans la façon de texturer les sons pour vraiment pouvoir (mal) vieillir.


Bien qu'assez accessible pour les non-initiés à la musique d'Alva Noto, univrs est donc une oeuvre radicale, conceptuellement brillante et immensément dynamique et vivante. Un comble pour quelqu'un qui se considère de base comme un scientifique du son, mais un résultat guère étonnant quand on compare aujourd'hui cette oeuvre avec la suite de sa carrière.

Gweilo
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le 11 juil. 2015

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