Pharoah Sanders Featuring Vocalist Sedatrius Brown – Village Of The Pharoahs (1973)


Après avoir été mis en avant lors de la quête Coltranienne, second souffle de John dans cette recherche éperdue d’une autre musique, plus libre et plus sauvage, hors des règles établies, Pharoah fit sa mue et, sans doute que, dans l’ombre d’Alice, il pencha lui aussi vers une musique plus contemplative et extatique.


Il y laissa une partie de sa force et de son engagement hors norme dans l’exercice des solos, mais, il faut bien lui accorder qu’il ne se perdit pas systématiquement dans une musique un peu mièvre ou même niaise, ce merveilleux album est un haut témoignage de cette nouvelle phase musicale, déjà esquissée, mais qui trouve avec cet album une part de noblesse et de grâce que certains ne verront sans doute pas, le regard tourné ailleurs.


La première face de l’album est consacrée à une longue suite en trois parties qui donne son titre à l’album, enregistrée à San Francisco en mille neuf cent soixante-treize. Sedatrius Brown dont le nom figure sur la pochette est chanteuse et percussionniste, on retrouve également quelques noms souvent croisés dans les formations de Pharoah, parmi lesquels Joe Bonner, Lawrence Killian, Calvin Hill à la basse, Jimmy Hopps à la batterie et les percussionnistes Kylo Kylo et Kenneth Nash, Pharoah est au soprano et sans doute chante-t-il également.


Dès l’introduction de la pièce la magie opère et ne nous lâchera plus, une impression de voyage en pays chaud, quelque part en Orient, et c’est toute une imagerie qui défile et surtout ce sentiment de « partir », d’être arraché au milieu ambiant, transporté vers un ailleurs lointain. La progression de la pièce est finement agencée, évoluant sans cesse avec de subtiles changements qui en marquent les étapes, c’est merveilleusement fait et ces odeurs d’épices qui surgissent, forcément…


Je tiens cet album pour une des meilleurs choses qui me soit arrivée en cette période, Sédatrius Brown intervient dès la seconde partie et nous retrouvons cette alchimie qui fit tant pour la musique de Pharoah, lorsque Leon Thomas était présent. Dix-sept minutes seulement, et pourtant un magnifique voyage qu’on ne se lasse pas d’écouter, car chaque son y est à sa place, dans un mouvement de changement perpétuel et tourbillonnant.


Issue des mêmes sessions, « Myth » est une courte pièce qui termine la première face à la manière hindoue. La face deux nous transporte à rebours vers l’année soixante et onze, avec le titre « Mansion World » et les sessions de « Black Unity », cette pièce ne pouvant s’intégrer sur l’album du même nom elle est bien à sa place ici, ancrée dans cette même veine lyrique et chaleureuse, on y retrouve le fameux duo de bassiste, Cecil McBee et Stanley Clarke.


Le titre suivant, « Memory Of Lee Morgan » est un hommage au trompettiste, la pièce date de soixante-douze. On y entend sans doute la forme la plus contestée de l’art de Pharoah avec des arrangements très aériens, clochettes et tout le toutim, incolore à force d’être volatile, voire légèrement insipide, bon on peut aimer, malgré tout…


La dernière pièce « When Like It Came » rattrape un peu tout ça, issue de la session du jour, elle est nerveuse et dynamique, balance et envoie, un petit coup d’énergie nécessaire avant de quitter ce superbe album sur des accents « soul » ravageurs…

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le 15 nov. 2022

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