Qu'est ce qu'on pouvait bien attendre d'un album solo d'Amanda Palmer, leader des Dresden Dolls, après un Yes Virginia bien sans plus ? Pas grand chose, à vrai dire, tant ce deuxième opus des Américains était inquiétant.
Non pas dans la forme puisqu'il est agréable, mais plutôt dans le fond. A savoir qu'il se contentait ni plus ni moins de reproduire une formule, forcément limitée, puisque reposant uniquement sur un piano et une batterie. L'effet de surprise du premier effort passé, il ne restait donc que le talent de composition pure des deux compères; et sur ce point Palmer et Viglione s'étaient tout de même montrés un peu moins inspirés.


Visiblement la jeune New-Yorkaise l'a compris, puisqu'après seulement deux disques avec son complice, elle a ressenti le besoin de changer d'air (phénomène extrêmement rare, les carrières solo s'amorçant en général bien plus tard). Pourtant, Amanda Palmer a tout de même souhaité s'accompagner principalement de son piano sur cette première échappée belle: choix dangereux pour s'émanciper, puisque l'auditeur allait forcément retrouver tout ce qu'il connaissait déjà du duo, c'est à dire un style de composition et une voix très typée.
Elle a donc tout (ou presque) misé sur des choix de production: l'apparition de cordes et de cuivres, de basse, parfois de synthés vintage, et des featuring... Pourquoi pas ! Il fallait çà pour repousser les frontières de cet environnement sonore que l'on connait déjà (trop?) bien !


Sur le papier ça peut donc rassurer, mais qu'en est-il dans les faits ? Eh bien on est franchement déçu. Là où le bas de la jolie ricaine blesse en premier lieu, c'est que la batterie est omniprésente. Et une fois de plus on a envie de dire mauvais choix: parce que pour faire oublier la force de frappe de Viglione, il fallait se lever de bonne heure, ce qu'à visiblement oublié de faire l'invité d'Amanda, qui se contente de singer son fantasque prédécesseur. En moins percutant, forcément.


Et soyons honnêtes: tous ces arrangements, présents sur la plupart des titres et dont on pouvait penser qu'ils allaient enrichir le monde de Palmer, ne font que l'alourdir (les cuivres lourdauds de "Leeds United"), l'étouffer (les basses synthétiques de "Astronaut") tant ils sont réduits, justement, à l'état de simples arrangements. Comprenez par là, qu'il n'empiètent jamais sur le terrain du petit chéri de Palmer, à savoir son piano, autour duquel toutes les compositions tournent.
Seule exception, l'excellent "Guitar Hero", où les autres instruments parviennent à faire oublier qu'Amanda Palmer est seule et bien seule dans son projet.


L'autre face de ce Who Killed Amanda Palmer, ce sont les compositions "sobres", piano/voix (accompagnées de quelques cordes, complètement transparentes). Là encore, et c'est sans doute plus grave, c'est la limite du jeu de Palmer qui apparaît au grand jour: son chant est en tout point identique à celui développé avec les Dresden Dolls, comme la construction de ses morceaux qui ne surprennent plus et n'émeuvent plus, parce qu'on a sans cesse l'impression d'entendre des choses déjà connues... Pas nulles, certes, mais tellement moins belles, tellement moins efficaces.
Restent les comètes "Strength Through Music" (d'un dépouillement incroyable: deux accords, un chant apaisé, et elle nous émerveille comme au premier jour !) et "Hard To Drive", aux accents mélodramatiques superbes.


Alors, Who Killed Amanda Palmer ? On ne sait pas, mais on ne croit pas trop à la résurrection en tout cas. Et si le titre de son album fait inévitablement penser à Lynch, son écoute évoque plutôt le Tirez Sur Le Pianiste de François Truffaut... Triste ironie.

Francois-Corda
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le 28 août 2018

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