Wildflower
7.2
Wildflower

Album de The Avalanches (2016)

J'avais réalisé une critique bien plus ample au sujet du dernier album de The Avalanches, mais le site, pris dans un bug interminable, n'acceptait pas de publier l'intégralité de cette critique. Finalement, en essayant de refaire cette dernière, je me suis demandé s'il était si nécessaire de rappeler l'attente incroyable de cet album tant désiré par une génération marquée par le passage aux années 2000 et aux expérimentations du plunderphonics. Cette attente a déjà été longuement évoquée par les sites dédiés, ce ne serait qu'une rallonge désobligeante de marteler à quel point il fut terriblement long de voir le deuxième bébé du groupe australien naître.


Wildflower est un embryon encore tout chaud. Il est fait pour offrir un voyage musical, aussi brut soit-il. Ce dernier tente de conjurer les mauvaises pensées de ses auditeurs, pour leur offrir un dépaysement dans une bulle. L'univers de Wildflower est particulièrement fun, chaud et joyeux, sous une douloureuse empreinte de mélancolie et de nostalgie. A l'image de Since I Left You.


Sur une vingtaine de compositions, le groupe australien flirte entre l'utilisation astucieuse de samples (The Noisy Eater, Harmony, Subways) et expérimentation continue (Colours, Saturday Night Inside Out). Se renouveler, tout en conservant un son bien originel, est une preuve de la réussite incontestable de cet opus tout récent. Revenir sur son statut d'embryon permet de rebondir sur la phase de développement de l'album. Ainsi, l'album serait déjà terminé depuis trois ou deux ans, mais il sonne incroyablement juste. A l'instar du précédent album qui ne vieillit pas d'un poil depuis seize ans. Je ne cesse de croire en la longue fertilité de Wildflower, qui prendra définitivement racine au fur et à mesure.


L'album débute miraculeusement en trombe, avec le passage de The Leaves Were Falling, qui sert d'interlude entre Since I Left You et Wildflower dans une forme de suite à Extra Kings, avec Because I'm Me. The Avalanches souhaite faire de Wildflower un album qui change les gens, qui offrirait aux auditeurs une meilleure journée par l'écoute matinale de ce dernier. Because I'm Me s'inscrit dans cette tentative, par cette ambiance démentielle débordant de bonne humeur. Un véritable régal aux oreilles, mais également un bonheur fou. Du plunderphonics de haute qualité par ailleurs, avec l'utilisation sans fioriture de samples improbables. Camp Lo qui est également présent pour poser sur le morceau, alors que ce dernier avait été utilisé en sample sur Diners Only dans le précédent album.


L'album défile par la suite sans que l'on se rende compte de l'enchainement des morceaux : le très rap-calypso Frankie Sinatra d'une euphorie folle, Subways l'objet pop venant d'un univers seventies qui impressionne par son refrain entêtant, Going Home qui fait comme Stay Another Season sur Since I Left You, soit une offrande continuelle du rythme de Subways, puis l'arrivée de la mélancolie sur l'album. If I Was A Folkstar et Colours sont véritablement efficaces, sans réussir à expliquer pourquoi. Le premier est un morceau proche du psyché, aux résonances disco, dans un esprit urbain et fragile, tant porté par Toro y Moi. Colours est impressionnant par la technique employée dessus : du psyché au reverb improbable.


L'album continue sur son projet initial, avec l'arrivée de The Noisy Eater, morceau complètement fou. Dans un univers très cartoonesque, Biz Markie fait de ce morceau un standard spontané du collectif australien. En effet, ce morceau s'inscrit dans l'exploitation sans faille de samples hautement improbables (de nouveau) : des Beatles à Jerry Lewis, on est bercé dans un conte enfantin, un rêve de gosse. Cette chanson vient notamment de la composition du groupe au sujet d'un film d'animation, avec bien évidemment une bande-originale de leur part. Le morceau suivant va ensuite offrir une ligne directrice au reste de l'album.


En effet, Wildflower installe une ambiance éthérée, sous une avalanche d'émotions aussi diverses, par l'arrivée de Harmony, morceau fantastique par sa nostalgie et sa mélancolie débordante, par la complaisance avec l'univers continuellement seventies sur Life A Lifetime Love, où l'auditeur est bercé par un son perpétuellement sous injection de samples. Les morceaux continuent de se suivre, mais le sourire est toujours présent. De la bonne humeur et de la sensation d'avoir un album prédisposé pour soi s'affrontent. Ainsi, l'étonnement est fort sur l'identité de cet album, au point de se sentir possédé par son empreinte. Une écoute peut changer un humain, celle de Wildflower devrait être offerte pour offrir de l'espoir, mais surtout de bonheur. Livin' Underwater s'ensuit par exemple par l'introduction de The Wozard of Iz, frappe raide dingue par la montée en puissance d'un refrain adorable à souhait.


Justement, cet album, au-delà d'être adorable, comporte des spécificités très particulières. Il est rare d'avoir, en aussi peu d'écoutes, l'impression d'avoir un album réalisé pour soi, mais le plus intéressant est de voir à quel point cet album est touchant. Je m'efforce de ne pas dire "mignon", mais cet album est si fragile, si offrant, il dégage une volonté humble et humaine de toucher n'importe qui, pour rendre heureux. Cette question de bonheur reste peut-être grossière, voire très certainement, mais elle a le mérite d'être posée.


On passera outre les exceptionnels Sunshine et Kaleidoscope Lovers pour s'intéresser aux deux derniers morceaux de l'album. Stepkids est juste superbe par le renouvellement continuel du groupe australien, capable d'offrir de nouvelles sonorités tout en conservant leur empreinte. Cela reste impressionnant, puisque le groupe arrive à offrir sa patte sur n'importe quelle production, même au niveau de leur nombreux mixes.


https://www.youtube.com/watch?v=2u8dPN0M5dk par exemple, qui est un mix ultra emblématique chez les fanas du groupe australien. De la calypso à gogo.


Saturday Night Inside Out clôt le grand et beau bordel par une montée en puissance sous les paroles du poète David Berman. Du spoken word pour clore un album si attendu, sur un morceau placé sous l'égide de la nostalgie et de l'euphorie. L'album est déjà terminé, pourtant on veut le réécouter, pour retrouver cette sensation originelle à la première écoute. Se l'approprier pour attendre le prochain en 2036. Bien heureusement, un prochain album arrivera plus rapidement, puisque le groupe souhaite sortir un autre album avec les morceaux zappés sur Wildflower. Du bonheur en trompe pour l'attendre.


Je conserve un amour infini et totalement sincère envers le collectif australien, qui porte une communauté indécrottable de fans depuis la fin des années quatre-vingt dix. Je reste de plus fasciné par cette image d'une personne écoutant SILY en 2000, adorant l'album et se plongeant dans l'univers du groupe, mais attendant jusqu'à l'oubli le prochain album des Australiens. La communauté de reddit est également incroyable, tant les adorateurs du groupe se forçaient de ne rien louper, de ne pas perdre de trace chez les petits gars de Melbourne.


https://www.reddit.com/r/theavalanches/comments/4qq01v/what_harmony_means_to_me/ un exemple de discussion sur le groupe


En somme, un retour exceptionnel, aux allures de répétition générale pour un été infini.

Amomo
9
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le 3 juil. 2016

Critique lue 544 fois

7 j'aime

Amomo

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7

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