La production de « Youth Knows No Pain », chanson introductive de Wounded Rhymes, deuxième album de Lykke Li, rappelle un peu celle de « Human Behaviour », qui ouvrait Debut, le second album de Björk : dans les deux cas, c’est grâce à un ensemble de percussions entraînantes qu’est compensée la douceur infantile de la voix de l’interprète. Cette rythmique se révèle ensuite moins essentielle sur l’œuvre de la Suédoise que sur celle de l’Islandaise, mais elle reste malgré tout présente tout au long de l’album, à des doses plus ou moins élevée selon le degré de joie ou de tristesse que la chanteuse cherche à transmettre. « Youth Knows No Pain », « Get Some » ou encore « Rich Kid Blues » évoquent ainsi des ambiances californiennes magnifiées par l’influence des Doors, avec un traitement assez proche de ce que peut proposer par exemple un groupe comme les Black Angels. Cependant, ce sont plutôt les plaintes désespérés de Lykke Li qui sont ici intéressantes : en effet, elle a beau chercher à composer des chansons joyeuses et entraînantes, son univers reste avant tout un monde de tristesse. En témoignent notamment la splendide « I Follow Rivers », qui reprend la formule « percussions + mélodie accrocheuse » mais est finalement gangrenée par l’amertume, la complainte minimaliste « I Know Places », le finale en forme de requiem « Silent My Song » ou la bouleversante « Love Out Of Lust » où la chanteuse adopte presque une voix enfantine pour enjoindre au carpe diem. Sans parler de « Sadness Is A Blessing », dont le titre et le refrain sonnent comme un manifeste : on en vient à se demander si la chanteuse souhaite guérir la mélancolie par la musique ou si elle veut au contraire faire de cette dernière le moyen de s’y complaire. En résulte un mélange permanent de joie et d’amertume à l’écoute des chansons de Wounded Rhymes, paradoxe répondant à la voix si froide et pourtant si chaleureuse de Lykke Li qui sera loin d’être résolu dans son album suivant mais fait aussi la belle spécificité de cette artiste.