3 rêveries
6.8
3 rêveries

BD (divers) de Marc-Antoine Mathieu (2018)

Quand on ne connaît pas le travail de Marc-Antoine Mathieu, 3 rêveries peut susciter ce commentaire : Qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Quand on le connaît, on se dit que ce qui devait arriver est arrivé. Voilà un « poème graphique » composé d’un leporello de quatre vingts pages, d’un rouleau de huit mètres et d’un jeu de seize cartes intitulés respectivement « Homo temporis », « Homo logos » et « Homo faber ».
Or, souvent, lorsque le concept qui a suscité une production artistique est à un tel point remarquable, il semble éclipser l’œuvre elle-même : une fois qu’on a décrit la chose, l’un des risques est de s’abstenir de la lire – voir par exemple la Disparition, Marelles ou Feu pâle (1). En l’occurrence, on aurait tort de ne lire ces 3 rêveries que comme une expérience formelle et encore plus tort de ne pas les lire – ou de quelque autre mot que l’on appelle cette activité.
Mais pour être honnête, à la lecture de ce coffret, une question m’a troublé : à quel moment une œuvre réussie suscite-t-elle plus d’admiration qu’elle n’émeut ? La virtuosité déployée dans ces 3 rêveries, leur cohérence – interne et par rapport au reste de l’œuvre de leur auteur –, leur richesse sont évidentes. Mais ne leur manque-t-il pas quelque enthousiasme ?
La question peut se poser autrement : comment résoudre la contradiction entre le caractère éminemment intellectuel de l’œuvre et son appel au rêve ? Et j’imagine volontiers que j’aurais apprécié différemment 3 rêveries si je n’avais pas lu d’autres productions de leur auteur.


(1) Un autre risque est de la tenir pour un pur chef-d’œuvre insurpassable sans s’imaginer qu’elle puisse être améliorée sans qu’on touche au concept. Or, on peut tout à fait écrire un roman lipogrammatique en e meilleur que celui de Perec ou un livre à lire dans l’ordre de son choix au moins aussi bon que celui de Cortázar ; quant au roman-notes de Nabokov, on a le droit de lui préférer les « Notes pour une déconstruction mentale » de J. G. Ballard.

Alcofribas
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le 1 avr. 2019

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