On peut être étonné de voir ici, au Bréviaire des Vaincus, une chronique d'une bande dessinée. Pourtant, il n'y a là rien de choquant. La bande dessinée n'est pas essentiellement un média du texte, même s'il l'utilise, mais reste une production papier souvent intéressante. Du coup, en découvrant cet univers, j'ai trouvé dommage de ne pas partager mes plus belles découvertes. Lire une bande dessinée, c'est différent de lire un roman ou un essai, mais cela reste de la lecture. Alors, à côté d'un Proust ou d'un Flaubert, pourquoi ne pas lire une bande dessinée ?


La Mort de Staline, de Nury et Robin, est une courte série en deux tomes. La chronique d'aujourd'hui porte sur le premier tome. Quel est le sujet ? Comme le titre l'indique, les deux auteurs cherchent à raconter les dernières heures du dictateur russe. Seulement, les archives de l'URSS étant confuses et complexes, Nury et Robin jonglent entre la restitution "fidèle" et l'imagination.


On suit ainsi, sur quelques dizaines de pages, une narration fluide, rapide, avec un goût de la mise en scène efficace sans trop d'artifices. On reste sérieux, cohérent tout en ne tombant dans les travers de la bd didactique (bavarde, lourde, parfois moralisatrice et souvent très laide graphiquement parlant).


Staline est victime d'une attaque cardiaque alors qu'il songeait à écouter un disque de musique classique. A partir de là, la machine s'emballe. Les cadres du Parti se réunissent, enchaînent réunion sur réunion, n'osent pas prendre de décision car ils craignent des représailles (les procès de Moscou sont dans les mémoires, autocritiques...). Entre les peureux et les traîtres qui profitent de cette occasion pour abattre leurs cartes, c'est un bal des vices humains qui se déroule sous les yeux du lecteur. La démonstration d'une dictature broyant l'humain et s'affolant lorsqu'un grain de sable vient se loger dans l'appareil (ici, la mort du Maître).


Nury et Robin restituent avec force la paranoïa et les jeux d'alliances. Personne ne sort vraiment grandi de cette histoire, néanmoins le tableau n'est jamais surchargé. Pas de caricatures diffamantes du type "anti-communisme primaire". Un premier tome réjouissant et fort intelligent, à voir si la suite est aussi prometteuse.

Al_Foux
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le 5 janv. 2016

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