Akira
8.6
Akira

Manga de Katsuhiro Ôtomo (1982)

Akira bien pliera le dernier.

[Critique portant sur l’édition originale en noir et blanc composée de six tomes en grand format]


En voilà un qui n’a pas volé sa réputation ! J’avais entièrement confiance dans ma lecture, tant on m’avait parlé en bien d’Akira et tant il est culte au Japon mais aussi partout dans le monde (ce n’est pas pour rien si Steven Spielberg y fait référence dans Ready Player One). J’avais apprécié le film d’animation également, mais je n’avais pas tout saisi car il compresse trop le récit originel. J’avais donc à cœur de rattraper ce manga populaire pour satisfaire mon inculture et ne plus passer pour un inculte à l’occasion de la sortie de l’édition originale en noir et blanc, qui est extrêmement réussie d’un point de vue esthétique.


Ce qui m’a marqué dès le premier tome, c’est l’avalanche d’action qui ne laisse aucun répit au lecteur. Je pensais que cela se calmerait mais en réalité l’action est omniprésente dans les six tomes. Ca rend la lecture très rapide et hyper fluide, mais en même temps on aimerait parfois un peu plus de calme pour souffler un peu. Aussi, le problème qui se pose est que l’univers n’est pas autant exploité que je l’aurais voulu, moi qui suis fan de cyberpunk et de science-fiction, car cela se concentre principalement sur une seule intrigue, un seul but, bien qu’on ait affaire à un manga choral à partir du moment où les protagonistes sont séparés. Mais qu’importe, je me suis laissé totalement emporter par l’histoire qui ne fait que se bonifier au fil des tomes, le drame s’intensifiant de plus en plus et les enjeux se dessinant au fur et à mesure.


Le scénario du manga m’a fait penser à un Frankenstein transposé dans le futur, avec une créature qui échappe totalement au contrôle de son créateur, ce qui va donner lieu à des conséquences absolument désastreuses pour la ville où se déroule le récit, Néo-Tokyo, mais avoir également des répercussions beaucoup plus larges. A ce titre, au fur et à mesure que l'histoire se dramatise, le coup de crayon se veut de plus en plus précis, les cases s’élargissent pour nous laisser admirer la destruction des paysages futuristes par la montée en puissance de Tetsuo. Le dernier tome est ainsi beaucoup plus épuré en termes de texte et nous laisse à voir de magnifiques planches constituées d’une seule case. Epique est le maître-mot qui caractérise Akira, à un point où les dialogues sont parfois un peu trop relégués au second plan.


Akira, c’est aussi un manga très ancré dans son époque : on sent que les Japonais ne sont pas encore remis de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki, la Troisième Guerre Mondiale est évoquée alors que le manga a été écrit en pleine Guerre Froide et que c’était la crainte principale de cette période et l’armée est omniprésente. Les expérimentations de cette armée sur les enfants rappellent fortement ce qui se faisait dans les camps nazis. Les conséquences de la Seconde Guerre Mondiale ne semblent donc pas encore totalement digérées. La religion y passe également à travers le culte que voue une partie de la population au personnage éponyme, érigé en Dieu vivant. Akira est donc une critique acerbe de ce dont est capable le genre humain, les Américains en prenant également pour leur grade lorsqu’ils souhaitent intervenir au Japon. Pourquoi ne pourrait-on pas y voir aujourd’hui une métaphore de la destruction de l’environnement par l’Homme ?


Les personnages sont nombreux, il n’est pas toujours aisé de retenir les noms de chacun, mais les six tomes développent très bien les principaux : Kaneda, Tetsuo, Kei, dame Miyako, voire le général de l’armée. En plus de la relation entre certains d'entre eux qui est touchante, ils ont chacun une histoire, un passé et des raisons qui les poussent à agir de la sorte, et de ce point de vue c’est une réussite. Ce qui est appréciable, c’est que ce ne sont pas toujours les mêmes que l’on voit au premier plan au fur et à mesure de l’avancée du récit. Au travers de ces personnages, certaines belles valeurs sont en plus véhiculées par Otomo comme l’amitié, le courage ou la persévérance.


En somme, Akira est un manga très adulte par les thèmes et la violence qu’il déploie, parfois vulgaire, mais qui en dit beaucoup sur le monde dans lequel nous vivons grâce à sa richesse d’écriture et sa pluralité de lecture, mais également grâce à la qualité du dessin en noir et blanc, cette dernière édition de chez Glénat rendant hommage au manga original qui n’était pas colorisé et que je conseille donc à tous.

Albiche
9
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le 20 juin 2019

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