Après s'être attaqué à la corruption, puis au racisme, Blacksad vient cette fois nous parler de la Guerre froide, et plus particulièrement du maccarthysme et de la peur de l'atome.
Revenant de Las Vegas, où il a servi de collecteur de dettes et de garde du corps, Blacksad retrouve un vieil ami : Otto Lieber, qu'il a connu durant son enfance, le père de celui-ci s'étant donné la mission à l'époque de sauver le quartier pourri d'où venait Blacksad. Otto est désormais un des grands promoteurs de l'énergie atomique, et est connu pour appartenir à un groupe d'intellectuels surnommés les "Douze Apôtres". Parmi eux, Alma Mayer, auteure reconnue dont Blacksad s'éprend immédiatement, en couple avec le riche mécène Samuel Gotfield, qui finance les apôtres. Mais quand le sénateur Gallo (alter ego de McCarthy) lance sa grande chasse aux communistes, le groupe est mis en danger... Et que penser de l'assassinat de l'un d'eux, Otero, pris par le tueur pour Lieber ?
Âme rouge se distingue des précédents tomes par un rythme très différent, plus posé, et du coup un peu plus expéditif sur certains aspects de l'intrigue (beaucoup de personnes ont ainsi eu l'impression que la dernière partie était rushée, ce que j'avais pas mal ressenti lors de ma première lecture et un peu moins lors de la seconde). En fait, ce tome-ci s'assume beaucoup plus comme portrait d'une époque, mettant en scène les différents aspects de cette Guerre froide et les stéréotypes associés (de la même manière que le premier opus s'inspirait majoritairement des livres, comics et films noirs et le deuxième des récits sur la ségrégation, ce troisième s'inspire assez clairement des récits d'espionnage). La trame narrative semble beaucoup plus s'assumer comme le prétexte pour explorer les fonds historiques et littéraires associés à cela plutôt que comme élément central de l'album. Si ce choix est discutable, force est de constater que la qualité est toujours au rendez-vous.
D'ailleurs à ce sujet, Guarnido fait toujours un travail assez délirant. Si j'étais beaucoup plus fan du style qu'il développait dans les deux premiers opus, Âme rouge reste lui aussi un voyage visuel formidable.
Très bel opus donc, le premier du "triptyque des couleurs primaires", amenant fort logiquement son lot de changements.