Brigitte Bardot mise en lumière dans « Les Étoiles de l’Histoire »

Le même jour que Marilyn Monroe paraît Brigitte Bardot, le troisième volume de la collection « Les Étoiles de l’Histoire » (Dupuis). Après avoir portraituré la pin-up hollywoodienne la plus célèbre de tous les temps, Bernard Swysen et Christian Paty remettent le couvert avec la comédienne française la plus illustre et controversée de son époque.


En 1959, Brigitte Bardot est interrogée sur son image par la journaliste France Roche. Sur un ton plutôt détaché, elle se décrit comme « la plus acharnée des anti-Bardot ». En dépit des apparences, il serait erroné d’y déceler le moindre reniement : la comédienne française s’estime lésée par les représentations dont elle fait l’objet et cherche alors avant tout à estomper la mythologie qui l’accompagne. « On écrit tellement de choses sur moi, et tellement de choses fausses… » C’est pour s’éloigner de l’icône et se rapprocher de l’individu que Bardot entend déconstruire une image trompeuse de pin-up velléitaire, véhiculée aux quatre coins du monde. « Les Américains, pour raconter ma vie, ont dû se baser sur des journaux français, qui racontent aussi ma vie en se basant sur des archives fausses. » L’actrice ne manque d’ailleurs pas d’expliquer le mythe Bardot par sa concomitance avec l’évolution sociétale et la libération des mœurs en cours dans le monde occidental. « Je correspondais à cette nouvelle image », précisera-t-elle un jour à la télévision. En 1970, interrogée par l’ORTF, elle évoque cette fois les paparazzis, en déplorant rien de moins qu’« une violation de soi-même par les autres ».


Ces quelques éléments s’inscrivent en faux contre les accusations dont on affligeait alors Brigitte Bardot. Et le présent album l’illustre avec force exemples. Quand BB se rend à l’hôpital au chevet d’un proche, les journaux font état d’une prétendue chirurgie esthétique. Quand elle lutte en faveur de la cause animale, y injecte 200 000 francs de sa fortune ou vend aux enchères ses effets personnels pour financer sa fondation, les commentateurs n’y voient le plus souvent que des opérations de communication dénuée de toute sincérité. Quand elle joue des rôles partiellement autobiographiques, comme dans Vie privée, les mêmes moquent une attitude geignarde au lieu de se pencher sérieusement sur le cirque médiatique qu’elle dénonce et ne cesse de subir. Quand elle stérilise un âne par refus de mettre en danger plusieurs ânesses, elle devient une « castratrice » publiquement décriée, dont on relègue un peu vite aux oubliettes les combats passés ou en cours. Dans ce troisième volume des « Étoiles de l’Histoire », Bernard Swysen et Christian Paty, respectivement auteur et dessinateur, racontent avec brio tout ce qui a pu séparer Brigitte Bardot de son image. À l’instar de Marilyn Monroe, BB fut cataloguée, jetée en pâture et parfois rendue inaudible en raison de considérations annexes relevant de la vie privée, d’accusations fallacieuses ou de la mythologie dont on les a volontiers affublées. Bernard Swysen fait ainsi dire à Brigitte Bardot que des « connards frustrés » lui « en veulent d’être elle-même ». « Ma vie est une prison ! J’appartiens à tout le monde, on me fait dire des choses que je ne dis pas, on me fait faire des choses que je ne fais pas. »


L’autre intérêt de ces « Étoiles de l’Histoire » est bien entendu biographique. Les grandes étapes de la vie de Brigitte Bardot se voient narrées avec juste ce qu’il faut de distance et de nuance. On découvre l’enfance bourgeoise de BB, sa promotion par Roger Vadim (son premier époux), ses relations amoureuses, maritales ou adultères, sa glorieuse carrière cinématographique, ses avortements clandestins, ses tentatives de suicide, sa relation froide et douloureuse avec son fils Nicolas (qui l’attaquera en justice pour atteinte à la vie privée), les menaces qu’elle essuie de l’OAS, l’abandon précoce, à 38 ans, du grand écran pour se consacrer à la cause animale, son union avec Bernard d’Ormale et son rapprochement avec l’extrême droite ou encore, plus tristement, la longue liste de ses condamnations pour incitation à la haine raciale, lesquelles écorneront durablement son image. Les dessins inspirés de Christian Paty et les couleurs chatoyantes de Sophie David servent d’écrin à un récit biographique sophistiqué et généreux, restituant parfaitement les douleurs (maternité, paparazzis, image écornée à tort, violences conjugales, cancer du sein), l’influence (robe en vichy, devises rapportées à la France, pavillon du Vatican à l’Exposition universelle de Bruxelles, discours au Conseil de l’Europe, rencontre avec Mitterrand) et les aspirations (cinéma, homme idéal, combats pour la défense des animaux) de Brigitte Bardot. C’est peu dire que la collection « Les Étoiles de l’Histoire » a pour l’heure de quoi ravir les cinéphiles, au-delà des simples curieux.


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Cultural_Mind
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le 10 juin 2020

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