Coincoin, l'homme manchot empereur par Sejy

J'aime beaucoup l'humour caractéristique de Guillaume Bouzard. Cette agréable façon d'aller un poil plus loin que les autres dans l'absurde et le parodique, mais sans avoir l'air d'y toucher. Une sorte de recul, de flegme dans le délire surréaliste qui lui donne un faux air sérieux, une (presque) crédibilité qui rend le décalage d'autant plus jubilatoire. En s'essayant au genre de l'enfant sauvage, il confirme son style particulier. Le mythe part en quenouille (pour rester poli) en à peine deux pages. On bascule très vite dans le loufoque, jonglant entre les dialogues irréels et les situations incongrues. C'est souvent à la limite de la démesure dans le non-sens, mais, bien accompagnée par le grand benêt et ses acolytes, la pilule passe finalement plutôt aisément. Grand benêt ? Grand débile, devrais-je dire, car si le Victor de Truffaut était considéré, à tort, comme un attardé il faut reconnaître que Coin-Coin, l'homme manchot, ne mérite pas tout à fait les « i » de son prénom. Et l'on a peu d'espoir quant à son évolution.

Certes, tout cela sent l'improvisation à plein nez et au chapitre de l'hilarité, l'efficacité s'en ressent. Je l'avoue, j'espérais mieux. Mais au moins, ça a le mérite de surprendre. Sans réellement savoir à quoi m'attendre au détour de chaque planche, je ne me suis jamais ennuyé. Et puis si la rigolade n'est pas toujours au rendez-vous dans le contexte, on pourra en revanche se délecter de la drôlerie infaillible du trait. Bouzard est un géant du dessin. Sa ligne ronde, ici moins économe qu'à l'accoutumée, est d'une belle simplicité et d'une redoutable pertinence. Quelques coups de crayon suffisent à magnifiquement retranscrire n'importe laquelle des émotions et permettent d'appréhender en un seul coup d'œil n'importe laquelle des scènes. Une facilité déconcertante et une vraie force qui laissent naturellement transpirer l'humour. Regardez-moi la tronche de ce héros !

Une œuvre idéale pour débrancher les neurones à la fin d'une journée difficile, mais je la conseillerais seulement aux familiers de l'auteur. Pour découvrir l'esprit Bouzard, Plageman me semble plus approprié.
Sejy
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le 19 août 2011

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