Les malheurs d'un monde convoité par une Reine d'une ténébreuse pâleur

Dark White est un webcomic d'horreur et de dark fantasy portant bien son nom (qu'on pourrait traduire en "Blanc ténébreux" ou "ténébreuse Pâleur") : si cela met en scène un monde à l'apparence féérique avec des fées, des elfes, des êtres se transformant en loup, des hybrides, etc.

Mais ce monde cache de bien sombres réalités : les espèces cohabitant entre elles ne se considèrent pas égales les unes aux autres, les fées (rien à voir avec les habituelles créatures à ailes de papillon, celles-ci sont plutôt des elfes à cornes) sont la caste dominante et les hybrides sont traités comme des sous-êtres alors que certains possèdent de fabuleux pouvoirs, la pauvreté et la famine touche les classes sociales inféodés et la guerre gronde.

Quelle guerre ? Le reliquat d'un conflit ancien entre la Déesse des Fées et la déesse déchue Titus, reine des elfes et de l’outre-monde. La première Guerre des Dieux avait banni Titus dans son actuel domaine infernal et apporté une relative prospérité. Le monde de Faya (où se déroule le webcomic) est certes imparfait, mais honnête. La cruelle Titus ne songe qu'à prendre ce monde en apportant mort, désolation et esclavage.

Pour parvenir à ses fins, elle s'est entourée de sbires aussi repoussants que tourmenteurs, notamment le Seigneur Vega, démon maître de la Pestilence. Et il a trouvé des moyens contre-nature et violant tous les principes de la Vie pour aider Titus dans sa sombre quête :

Vega a trouvé le moyen de réanimer les cadavres et de transformer certains d'entre eux en esclaves immortels mais faibles et éternellement désespérés et soumis à Titus. Il a également créé une créature similaire, hybride et elle-aussi tourmentée par ses maîtres : l'Oracle.

L'Oracle est une créature mâle formée de plusieurs espèces (un peu comme une chimère ou un Monstre de Frankenstein) à mi-chemin entre le centaure et l'elfe et avec une apparence grise et fatiguée. Il est sous-entendu qu'il était autrefois une sorte d'archange protecteur du monde, mais que son corps aurait été profané pour former cet amalgame souffrant et malheureux.

L'Oracle est constamment branché à une machine pour accentuer son pouvoir de clairvoyance (Titus et ses sbires s'en servent pour collecter des informations sur Faya). L'Oracle souffre et déprime constamment, ses maîtres n'ont aucune considération pour lui et ne le voie que comme une chose. Pour échapper à cette triste réalité, un jour l'Oracle se réfugie dans ce qui semble être un beau rêve.

Mais il s'aperçoit qu'il est en fait dans la mémoire d'enfance de deux autres âmes en peine : Ares, une louve-garou, et Ronto-arc, un hybride chat-dragon. L'Oracle a en fait pris une forme astrale lui donnant une apparence enfantine et visionne la mémoire de ces deux-là. Chose improbable : Ares peut voir l'Oracle et le surnomme alors Orrin (du nom de son frère défunt) pour le réconforter et trop heureuse d'avoir un nouvel ami (sentiment réciproque).

Ares et Ronto-arc avaient été introduits aussi au début de l'aventure, entrain de se recueillir sur deux tombes en dehors de la capitale. Le voyage d'Orrin (on va appeler l'Oracle comme ça à présent) dans la mémoire d'Ares et Ronto-arc permet de compléter les premiers chapitres qui présentaient le contexte de Faya, de l'outre-monde et des personnages principaux.

Réfugié dans leurs mémoires, Orrin en apprend plus sur nos deux hybrides :

Mais heureusement, il gagne pour consolation l'aide et l'amitié d'Ares. D'autant qu'Orrin l'informe de sa situation et des plans de Titus. C'est ainsi qu'on reprend une autre intrigue principale :

Au début, Dark White nous présentait également deux personnages de bon cœur, mais d’ethnies et de classes sociales diamétralement opposés : le prince Ramsès (une fée mâle mais efféminé, charitable et pacifiste) qui vit dans un château et Katie (une petite fille-chat pauvre obligée de vendre des journaux pour un salaire minable pour nourrir sa famille) qui vit dans la rue.

Katie vit dans la misère, avec les autres hybrides et autres ethnies pauvres de la capitale de Faya, où les fées vivent dans le luxe et méprisent les autres. Ramsès (qui a une corne comme toutes les fées, et symbolisant sa place de dernier héritier du trône) a appris de son frère Gawain (prince héritier à trois cornes et méprisant les pauvres et les autres familles nobles) et de son père le roi Acheron (4 cornes telle une couronne) qu'une guerre allait se préparer.

Bien sûr, Ramsès ne veut pas la guerre, car même si Faya est imparfaite, le bonheur est encore possible et ça reste le paradis comparé à l'outre-monde de Titus. Et il sent que quelque chose va arriver qui pourrait détruire tout ça, mais jamais lui et Katie ne s'attendait à ça :

Par chance, Ramsès arrive à se défendre contre les zombies et est aidé par des hybrides reconnaissants qu'il avait aidé beaucoup plus tôt. Il est aussi rejoint par Katie. Titus est aussi arrivée avec sa grande prêtresse et ses sbires elfes venus achever les survivants de Faya pour le compte de leur déesse-reine.

Et c'est alors que le dernier désespoir arrive :

Ramsès et Ares se battent contre les elfes. Ramsès, bien que rien ne le prédispose au combat, arrive à se défendre et utilise sa corne pour détruire des filets lancés contre lui (Ramsès serait-il une licorne-fée badass ?) Quant à Orrin, pour éviter que ses nouveaux amis et son peuple retenue en esclavage dans l'outre-monde ne soient sacrifiés par Titus, se réfugie à nouveau sur le plan astral et fait une étrange et inquiétante découverte :

Pour ce qui est du graphisme, rien à dire : c'est beau, agréable, bien coloré. L'atmosphère, elle, est déprimante et violente et c'est surtout ça la force de Dark White, d'autant que l'auteur arrive surtout à rendre les personnages principaux attachants.

Un autre bon point sur la façon dont Lillian Aguillar traite du genre et de l'identité sexuelle (avec Ramsès mâle mais effeminé, et Arès femme mais prise pour un homme) sans forcer un agenda politique ou sans faire de ces persos des gens facilement "triggered" quand on "assume leur genre". Le genre et la sexualité sont d'ailleurs assez secondaires dans Dark White et ne sont pas la seule façon de définir les personnages, auxquels on compatit dans leurs malheurs.

Et le bon point final, c'est que dans le monde d'un blanc sombre qu'est Dark White nous dit que, malgré toute la détresse et la destruction du monde, l'espoir et le rêve de jours meilleurs sont toujours possibles si on se bat pour eux. Car même quand on n'est qu'un Oracle enchaîné, on trouvera toujours quelqu'un sur Terre ou dans le refuge de la mémoire à aider ou pour être aidé...