Critique initialement publiée sur mon blog : http://nebalestuncon.over-blog.com/2018/10/deathco-vol.7-d-atsushi-kaneko.html


Une dernière danse ? Deathco, de Kaneko Atsushi, s’achève avec ce tome 7 tout récemment sorti en français, et qui met un point final à une orgie de tueries sanglantes, de personnages grotesques et d’oppressants et parfaits aplats de noir. La destinée de la gamine gueudin Deathko s’accomplit dans un finale relevant du feu d’artifice, comme il se devait.


Pourtant, comme dans les trois tomes précédents à vrai dire, titre ou pas, la petite bourrelle se fait parfois voler la vedette par sa patronne, mentor et ultime cliente en même temps qu’ultime cible : Madame M. Nous les avions laissées toutes deux, en compagnie du domestique zélé Lee (et de Taram s’il le faut), en train de quitter l’improbable château gothique qui avait été leur demeure pendant tant d’années… ou plutôt ses ruines, car, afin de gérer l’assaut en masse de Reapers dépêchés par la Guilde pour abattre celle qui fut la plus grande et la plus classe des Reapers, notre petit groupe avait dû recourir à des moyens pour le moins extrêmes : BOUM ! Conséquence embarrassante : nos « héros » (?) se retrouvent ainsi SDF… et les Reapers survivants ne les traquent pas moins impitoyablement (putains de connards de clowns).


Madame M est toute disposée à mourir, mais selon ses propres termes : elle a pris cette décision il y a longtemps de cela, c’est Deathko, et Deathko seule, qui devra mettre fin à ses jours. Pour que cette destinée s’accomplisse, il faut donc qu’elle survive encore un peu… Et les personnages de chercher, du coup, un refuge, et ce dans le plus improbable et en même temps le plus cohérent des asiles : la cellule la plus inaccessible d’une prison de haute sécurité jugée particulièrement redoutable et invincible, sur le mode de l’Alcatraz excessif (et à son tour pas dépourvu de caractéristiques gothiques, même si pour le coup le punk l’emporte).


Mais cela ne peut fonctionner qu’un temps : bientôt, les hordes de Reapers se rassemblent à nouveau – alors même que Deathko, qu’une prison ne restreint guère dans ses mouvements, fout le souk dans les locaux, y semant la peur et les cadavres… Et, parmi ces Reapers, il y a quelques habitués – dont ces crétins de Super Skull et Hyper Skull, ou les pom-pom girls de Dead Queen Bee. Mais c’est du menu fretin, et la Guilde dépêche dans la prison l’artillerie lourde – tandis que les détenus font diversion au travers d’une révolte massive, qui se mue forcément en immense tuerie aux proportions invraisemblables : les gardiens n’ont tout simplement aucune chance… mais les prisonniers non plus.


Globalement, ce finale correspond à ce que nous pouvions attendre – et c'est d’ailleurs un miroir du premier tome, avec ces masses de Reapers grotesques qui, ayant le même objectif, ne peuvent que s’entretuer, confirmant une fois de plus la connotation étrangement « darwinienne » de la Guilde. On y retrouve, surtout, cette débauche surréaliste de tueurs improbables, aux costumes tout droit sortis des comics de super-héros, mais dont le comportement cynique et violent relève de la parodie méchamment subversive autant que réjouissante – et ceci dans un cadre à la hauteur, qui renchérit sur le château gothique investi dans le tome précédent. Un feu d’artifice, oui, à la hauteur de nos attentes.


Maintenant, le scénario s’autorise quelques « finesses » (?), ou quelques twists en tout cas, qui convainquent plus ou moins ? C’est que rôdent dans la prison quelques alliés/ennemis hors-normes de Madame M… Mais, en définitive, oui, je suppose que c’est assez convaincant – d'abord parce que cela confirme l'aura du personnage, que ressent bel et bien le lecteur, jolie performance, mais surtout dans la mesure où l’ensemble de ce dernier volume souligne, sans trop appuyer mais à plusieurs reprises tout de même, que Madame M, d’une certaine manière, l'immense Madame M, l'intimidante (donc) Madame M, a peur – ou peut avoir peur. Elle a tout fait pour Deathko, et donc pour que Deathko la tue, mais l’échéance se rapproche à grands pas, et Madame M, déjà malmenée par les Reapers, une première, découvre peut-être que le rôle de proie n’est finalement pas à son goût – qu’il est horrible et redoutable… Et quand viendra le moment fatidique, elle s'accrochera à la vie, comme tous les trophées qu'elle a récoltés. Je demeure quand même un peu sceptique en ce qui concerne la fin finale… Bon, admettons.


De toute façon, en dépit d’un cadre de jeu sympathique, Deathco n’était probablement pas, dans l'ensemble, une BD brillant véritablement par son scénario, hein – ce qui comptait à cet égard, c’était l’ambiance, de folie meurtrière, qui fonctionnait très bien.


Mais, on ne va pas se mentir, l’atout essentiel de la série réside dans le dessin parfait de Kaneko Atsushi – parfait, oui, avec son caractère très cinématographique, son dynamisme, et bien sûr ce jeu sur le noir si caractéristique, et qui ne manque pas, une fois de plus, de me ramener outre-Pacifique à un Frank Miller ou un Mike Mignola. Je relève cependant une chose : l’impression que j’avais évoquée en chroniquant le tome 6 persiste dans ce tome 7 – que Kaneko Atsushi a fait évoluer son trait dans la série, vers quelque chose de plus « rond », plus fluide, peut-être un chouia moins « personnel », mais d’une efficacité redoutable. Qu’en pensez-vous, les gens ?


Quoi qu’il en soit, eh bien, c’est terminé… Disons-le tout net : Deathco n’a rien d’un chef-d’œuvre impérissable, ce n’est pas le manga du siècle, etc. Loin de là. Cependant, c’est une série qui fonctionne très bien de bout en bout, même s’il m’a fallu l’apprivoiser un peu avec un tome 1 quelque peu déroutant ; et son délire meurtrier costumé a quelque chose de bizarrement réjouissant et fun, que je ne m’explique pas forcément très bien, mais qui me paraît indéniable. Le dessin est vraiment remarquable, en tout cas.


Maintenant, ce qu’il faudrait que je fasse, c’est lire d’autres titres de Kaneko Atsushi – et notamment Soil et Wet Moon, largement plébiscités, et visiblement d’un tout autre registre, plus « sérieux » peut-être. Maintenant, le sérieux, hein… Deathco n’est pas sérieux, certainement pas – mais assurément jubilatoire.

Nébal
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le 30 oct. 2018

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