Évoquer la bande dessinée érotique (et même un peu plus) peut apparaître comme un défi, le genre se lisant plutôt en cachette. Le média peut sembler honteux, mais pourtant cela reste un produit culturel assez intéressant, à bien des niveaux. Le genre est riche en artistes formidables dédiés à cet art du sexe, mais dont il est parfois difficile de trouver des informations.


L’auteur américain Rebecca est-il un homme ou un femme ? Dans l’introduction de cette intégrale française de Housewives at Play, l’éditeur Dynamite ne peut pas y répondre, l’auteur voulant garder le flou, et s’en amuse. Les informations sont rares sur Internet, Comicvine la définit comme une femme.


C’est la mise en image des fantasmes qui pourrait aider à la définir, mais là encore l’auteur est assez ambivalent, et pas franchement de la plus belle des innocences, loin de là. Évitez les recherches sur l’auteur et ses séries au travail, bien entendu.


Le personnage central est Catherine Mitchell, jeune femme au foyer, épouse, maman, mais délaissée. Elle est le fil rouge des histoires qui composent ce recueil, parfois au coeur de l’action (et c’est le cas de le dire), parfois indirectement, par ses relations.


Catherine sera d’abord une femme soumise à la libido débridée de son amie et voisine, mais sera aussi la maîtresse passionnée ou l’amante amoureuse d’autres personnages. Le sexe y est cru, titillant de temps à autres les limites moralement acceptables, parfois imposé mais toujours source de plaisirs. C’est un jeu de dominations parfois cruelles mais jouissives, parfois plus tendres.


Tout le livre parle de plaisirs avant tout lesbiens, loin de représentations parfois trop tendres de cet amour entre femmes. Quelques hommes seront parfois de la fête, mais le plaisir n’est pas le même, l’orgasme parfois inatteignable dans ces conditions pour Catherine.


Dans un extrait d’interview, Rebecca avoue sa fascination pour l’archétype de la ménagère sexy, et le cadre est d’abord, au moins dans la première partie, celui de ses banlieues pavillonnaires où il peut se tramer bien des choses derrière ses murs propres et les représentations sociales acceptables.


La deuxième partie s’oriente vers une nouvelle vie de Catherine, d’abord guérie de ses « mauvaises » pulsions une fois ses débauches découvertes, mais bien vite remise sur les rails de sa « vraie » sexualité, là où elle peut s’épanouir. Sa « capture » par Bratty Sneers (évidente parodie lubrique de Britney Spears) avec ses copines entraîne la série vers de nouvelles fantaisies, même si on peut préférer son cadre urbain des débuts.


Certes, le scénario n’est pas si important, mais il est pourtant présent, et les aventures des personnages dans l’exploration de leurs personnalités se suivent avec une certaine curiosité, fut-elle voyeuriste. L’ouvrage est d’ailleurs assez bavard, avec beaucoup de dialogues, et beaucoup de récitatifs. Le texte permet de créer un contexte, de se rapprocher des personnages et de ce qu’ils endurent (ou jouissent), mais il faut y être sensible, c’est certain.


D’ailleurs le décalage est assez amusant entre le ton et l’écriture employée. C’est assez littéraire, assez amusant, malgré la crudité souvent employée. Loin de la pauvreté de quelques exclamations dans d’autres séries, Degenerate Housewives est même assez riche en vocabulaire. C’est l’occasion d’apprendre ce que c’est un calibistri.


Le trait est assez proche de certains comic-books féminins de la deuxième moitié du XXième siècle. Les corps sont bien taillés, taille fine, les poitrines de taille acceptable, sans excès, sans rentrer trop dans les détails. Pendant quelques pages, les personnages pourraient nous faire l’article de tel produit ménager dans des catalogues. Bien sur, les perversions s’affolent bien assez rapidement, les dessins sont assez explicites, c’est évidemment pornographique mais avec tout de même un certain style, bien qu'un peu froid dans ce noir et blanc. Dommage par contre que l’auteur soit un peu trop bloqué sur « sa » représentation fantasmée du corps féminin, un peu trop décalquée, ce qui fait que certains personnages se ressemblent un peu trop, surtout dans le feu de l’action.


Dans les 200 pages (tout de même) de cette intégrale l’auteur peine parfois à réalimenter les histoires, à introduire de nouveaux fantasmes. Mais l’ensemble se tient malgré tout, ces femmes aux passions brûlantes, évoqués sans fleurs ni musiques de violon, ne manquent pas de charmes. La température des pages étant assez élevée, gare aux coups de chaud.

SimplySmackkk
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le 26 sept. 2020

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