Avec ce tome 6, on amorce tranquillement le dénouement. Certaines prises de conscience importantes se font du côté de Minako, en parallèle de celles de Reina. le contrôle d'Hayafudji sur les deux femmes en prend un coup, ce qui explique peut-être sa réaction à la fin du tome. J'ai été profondément ébranlé par un des personnages, la mère de Minako, qui en quelques phrases, illustre de manière consternante une mentalité terriblement toxique dans le rapport de genre de ce pays ( et peut-être d'autres, qui sait). Voici l'extrait:


"L'adultère, c'est ce que TOUS les hommes font. En tout cas, tous les hommes qui réussissent. Puisque tu vas devenir mère, laisse moi te donner un conseil. Les hommes sont DIFFÉRENTS des femmes. Ils se lassent de manger toujours la même chose. Alors il leur arrive d'aller goûter d'autres saveurs ailleurs. Fermer les yeux là-dessus, c'est se montrer MAGNANIME pour une femme, tu vois ce que je veux dire? Les MEILLEURES FEMMES sont celles qui protègent le foyer. Une femme qui protège sa famille en SILENCE et avec APPLICATION a bien plus de VALEUR qu'une femme qui ne sert qu'à s'amuser. C'est un FAIT RECONNU par les maris et la société en général, bien entendu."


Donner une valeur à une personne comme on en donne à un objet est un acte de déshumanisation abjecte. Ce thème a d'ailleurs été évoqué auparavant dans la série quand on jonglait avec l'idée que les filles "vierges" était de beaux objets "propres" ayant plus de "valeur" que les filles déflorées. Un concept machiste à son paroxysme et si bien intégré par la société qu'elle navigue dans les deux genres, maintenant, même si cette origine se trouve du côté des hommes et leur fâcheuse glorification de la pureté féminine autour de l'hymen.


"Accepter que les hommes ont des pulsions et des envies que les femmes n'ont pas", affirme donc la mère, sans tenir compte que ces même envies et pulsions peuvent aussi se trouver du côté des femmes.


Accepter l'adultère comme compromis au bonheur familial, emblème de réussite social par excellence. Rabaisser les femmes qui n'ont pas de foyer, donc ni épouse ni mères. Valider le tout et se conforter sous le rassurant couvert d'une majorité bienpensante, sans même savoir si cette "majorité" existe. Les éléments erronés et révoltants de ce court passage pourraient être au centre de bien des débats et illustrent à quel point certaines idées toxiques et inéquitables sont acceptées et véhiculées dans la société nippone ( et potentiellement d'autres). Ce court passage m'a véritablement indigné.


Dans un autre ordre d'idée , Misato continu sa lancée dans le but de conquérir Niizuma. Son acharnement est aussi toxique que le reste. C'est le genre de personnage qui n'acceptera pas un "non", quitte à manipuler pour arriver à ses fins. Ça me rappel Jacob dans la série Twilight, le parfait roman des relations toxiques. "Moi je t'aime, je ferai en sorte que tu le sois aussi. Si tu ne l'est pas, c'est que tu ne t'en rend pas compte, ça ne peut pas être autrement". J'ai envie de parler "d'amour imposé" ou "amour biaisé" dans son cas. Voyons où cela la mènera.


Enfin, Misuzu prend aussi des gallons. Tranquillement, elle s'interroge sur l'origine de sa peur des hommes, tout en côtoyant de plus en plus son jeune élève. Ce dernier semble devenir un facteur de résilience, c'est-à-dire un élément favorable au développement du pouvoir d'agir et du changement, voir de guérison.


Rapports de force, maternité, mentalités, pression sociale, différences de genre, relations homme-femme, traumatismes, on retrouve tous les thèmes qui soutiennent la série. Une fois encore, on en sort ébranlé, mais un espoir commence à percer pour les personnages les plus malmenés: Peut-être que ce que nous concevons comme une faiblesse, c'est-à-dire "reconnaître" ce qu'on vit, ce qu'on éprouve, est en fait la véritable force? Mais la reconnaissance exige un regard tourné vers soi, une capacité d'introspection et une certaine volonté.


Un manga percutant sur un sujet nécessaire, mais très inconfortable, précisément parce qu'il a été trop longtemps passé sous silence.


Pour un public Jeune adulte, 17 ans+.

Shaynning
8
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le 2 sept. 2021

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