Ex abrupto
7.4
Ex abrupto

BD de Manu Larcenet (2005)

Il peint. Malgré l'observation plus ou moins bienveillante d'un obscur groupe de personnages, il peint. Mais pendant ce temps, dans leur chaumière, son père se meurt. Il meurt d'avoir trop travaillé dans cette grande usine que l'on voit là-bas, où tous commencent par perdre leur santé, pour finir par perdre leur âme. Tout ça pour laisser son petit peindre. Alors, le fils renverse le schéma et part lui aussi à l'usine pour soigner son père. Des rencontres « artistiques » avec un alter-ego qui fait dans l'abstrait aux entrevues moins sympathiques avec les surveillants de l'usine se tisse l'histoire de ce petit cochon qui débute dans la « grande vie » d'une manière un peu trop cruelle...La première lecture d'Ex Abrupto ne compte pas. Ni la deuxième d'ailleurs. C'est à partir de la troisième que des éléments commencent à sortir du brouillard. Si on y ajoute la lecture des 36 planches supplémentaires du TL, la quatrième lecture se finit les larmes aux yeux. Extrêmement différent des travaux de Manu Larcenet auxquels on s'est habitué, Ex Abrupto est un album graphique. Difficle de dire le contraire étant donnée l'absence totale de texte ! Mais quel coup de crayon ! Malgré le manque de repères, on pressent la trame de fond qui est loin d'être aussi simple que, par exemple, celle d'un Smart Monkeyqui travaille sur le même procédé.Larcenet est père, et ça se voit. Il en a les inquiétudes, les bonheurs aussi dans cet album, bien loin de Laurence Pernoud©. Peut-être plus près de la réalité ? Il reste néanmoins quelques zones d'ombre, mais l'auteur le dit lui-même : « Il ne faut pas chercher à tout comprendre« .
Le dessin est magnifié par le format à l'italienne, sans case, qui lui permet de respirer, de prendre tout l'espace nécessaire. Du coup ce travail tout en crayonnés, à l'opposé des personnages nettement détourés du Combat Ordinaire ou du Retour à la Terre, ajoute à la densité de l'histoire. Est-ce le manque de texte qui, tel un manque d'oxygène, permet à l'esprit de s'évader ? Ou le trait puissant? Ou encore le papier utilisé par les Rêveurs de Runes, doux au toucher, et épais sous le doigt ? En tout cas, chacun a son interprétation de cet album, venant de son histoire personnelle, ou de son envie du moment. Que demander de plus ?

Un album qui fait parler de lui pour son côté énigmatique, mais aussi un très beau livre, tendre, sensible et parfois brutal pour parler de l'amour filial (quel grand mot!) et de la passion, de la nécessité de gagner sa vie et du besoin de trouver le bonheur en réalisant ses envies. A lire !
Ninaintherain
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le 27 mars 2012

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