Faux chant du cygne

Avant toute considération, je tiens à dire que je vais parler ici de la version Urban Comics. C'est-à-dire des numéros #1-5 de Flashpoint et de Flash Vol.3 #8. Pas de mention des tie-ins et je prend en compte le numéro de Flash qui ne fait, pourtant, pas parti à proprement parler, de l'event.

L'histoire est désormais bien connu, Barry Allen (Flash) se réveille dans un monde différent de celui qu'il connaît : Superman n'existe pas, Batman est violent, Cyborg échoue à mettre en place une union des supers-héros et l'Europe a été dévastée dans une guerre entre les atlantes d'Aquaman et les amazones de Wonderwoman. Petit détail supplémentaire : Barry, qui a perdu ses pouvoirs, a encore sa mère, bien en vie.
Comprenant que Zoom, le Néga-Flash est à l'origine de ce monde apocalyptique, il va alors tenter de sauver cet univers en revenant dans sa réalité. Pour cela, il devra demander l'aide du plus grand détective au monde : Batman.

Flashpoint est un event créé en 2011 par Geoff Johns et dessiné par Andy Kubert, déjà devenu légendaire (j'ose le mot) pour son rôle de transition entre la réalité pré-New52 et les New52 justement. Cela dit, ce rôle, certes, majeur ne justifie pas de faire de cet event un succès véritable. Et je dois le dire, nous avons là une trahison. Ce monde alternatif ne nous permet pas de dire adieu au monde pré-Flashpoint. Ce monde qu'on a tant aimé et que, bientôt 5 ans après, on continue de regretter un petit peu. On se sent véritablement trahi par cette fin sans adieu, par ce changement qui a lieu en deux planches sans plus d'explication. Flashpoint joue sur sa réputation de fin d'un univers mais il ne s'agit, en réalité, que de la fin du run de Johns sur Flash, ni plus ni moins.
On a donc un event qui rate totalement son rôle de transition et laissera dans les mémoire un profond sentiment de regret. Il ne s'agit pas d'un détail mais bien d'un point important, voir même central.

Pour l'histoire elle-même, je dois avouer n'avoir pas du tout accroché aux premières lectures. Finalement, je trouve que Johns manie plutôt bien les changements d'angles d'importance. Evidemment l'event se veut être le centre de tout un back-ground développé à côté. Ainsi la guerre entre amazones et atlantes apparaîtra comme bien vide de sens ici. De même, on voit beaucoup de personnages posés sans être davantage exploités, juste pour signifier qu'ils existent.
Pour autant, Johns manie en peu de temps et pourtant avec brio plusieurs personnages intéressants qui sont, en quelques lignes seulement, dotés de caractéristiques intéressantes : Cyborg, Batman, Sujet-1, Elemental-Woman et Shazam (enfin Captain Thunder ici). Les hésitations de Flash a recréer l'ancien monde est également une idée intéressante et finalement peu exploitée dans les questions de multivers.
Globalement, si on peut largement regretter un côté sous-traité de plusieurs angles et plusieurs questions, on trouvera une écriture de qualité de la part de Johns. On notera aussi que cette volonté d'aller rapidement dans la direction nécessaire peut agacer car on est dans une vitesse perpétuelle qui, si elle colle avec Flash, donne le sentiment que ce monde est un peu traité à la va-vite.
Ce sentiment est assez frustrant car ce monde alternatif n'est, finalement, jamais exploité, il est posé là, sans plus d'intérêt dans une sorte de elseworld schématique sans profondeur. C'est très loin des univers alternatifs proposés ces dernières années par DC.

Pour le graphisme, Kubert fait un bon boulot, indéniablement et parvient à transmettre une palette émotionnelle très forte. On soulignera également la forte présence des rapports parents/enfants dans cette histoire que Kubert sait maîtriser.
Par contre, le numéro #8 de Flash nous inflige un très mauvais Scott Kolins qui réalise un travail très loin de Kubert mais aussi plutôt moche, notamment dans la forme des visages. Un mauvais moment, incontestablement.

Finalement, Flashpoint est mis sur un piédestal par son importance mais déçoit tellement qu'on a envie de l'envoyer en enfer. Pourtant, il remplit bien son rôle de conclusion de Flash, il offre une histoire agréable, des personnages maîtrisés et des réflexions intéressantes. L'univers, offert à la va-vite, déçoit pour sa part par son manque d'exploitation. On notera aussi que le fait qu'un seul détail soit changé ne devrait pas entraîner de telles différences (certaines datant d'avant l'époque modifiée). C'est une incohérence de plus dans un scénario qui ne brille pas par son raffinement pour le back-ground. Mais la qualité des personnages permet de sauver tout ça. Flashpoint n'aurait pas été le dernier récit pré-New52, il aurait été bien plus agréable. Mais sa mission ultime lui brûle les ailes.