Shônen, quand cesseras-tu de surprendre ?

« Shônen », voilà une appellation courante dans la culture populaire actuelle. Tantôt perçu positivement, tantôt source de dédain (et parfois à juste titre). Beaucoup ont déjà entendu parler de ce genre de mangas très prolifique, ayant connu une grande renommée à partir du début des années 2000. Certains poursuivent encore aujourd’hui, enchaînant les tomes par dizaines, et ils ne promettent pas tous de s’arrêter de sitôt. Naruto, Bleach, One Piece, Fairy Tail, Hunter x Hunter, Soul Eater, tous ont eu leur gloire passée et rencontrent encore des adeptes, qu’ils souhaitent explorer de nouveaux horizons ou non. Full Metal Alchemist s’inscrit dans cette liste, mais à sa manière. Une différence notable le distingue des autres : chacun de ses mangas rencontre une pléthore de détracteurs, selon des degrés diverses, et ils s’efforceront de pointer du doigt les défauts du manga en question… sauf celui-ci. Malgré ma découverte tardive, ses critiques positives et sa réputation perpétrée jusqu’à nos jours m’ont convaincu de m’y lancer.


Émerge immédiatement la question suivante : que possède Full Metal Alchemist par rapport à ses homologues ? Ne nous fourvoyons pas : il s’agit d’un Shônen pur jus, qui suit une bonne partie des codes. Néanmoins, non content de les utiliser astucieusement, il contourne une majorité des clichés inhérents au genre sans renouveler quoi que ce soit dans ses méthodes narratives. En somme, ce manga possède toutes les qualités du Shônen mais a écarté ses défauts d’un solide revers de la main.
Pour cette raison, je dois juger la forme en premier. FMA est un manga composé de 27 tomes d’environ 4 chapitres de 45 pages chacun : ça, une page Wikipédia pourrait le dire. Ces chiffres ne sont pas pourtant pas anodins. D’une part, dérouler une histoire avec des chapitres plus longs que la moyenne est un choix audacieux, idem pour le relatif faible nombre de tomes (Enfin là, la comparaison se fait surtout avec Naruto, One Piece, etc…). Le format s’avère alors idéal : le manga n’est affaibli d’aucune longueur mais ne se précipite pas non plus. Il raconte tout ce qu’il doit raconter, tout est inséré aux bons moments, le savant mélange entre actions, révélations, suspens et dialogues rythme l’histoire, de quoi former une histoire complète et cohérente de bout en bout. Certes, FMA possède ses moments de faiblesse et ses moments forts, mais tout se compense, tout s’englobe pour laisser une excellente impression à la fin.
Ce manga démarre pourtant de manière classique : deux frères partent retrouver ce qu’ils ont perdu, un bras pour l’un, son corps pour l’autre. Mais dès le tome 2, où l’on découvre l’âpreté de l’univers en déroulant le thème principal, à savoir la dualité entre la résurrection et le sacrifice, le constat évolue. Bien sûr que l’on retrouvera des confrontations classiques du genre. Exempt de découpage en arcs, FMA présente une multitude de personnages lors de ses premiers tomes. Une fois encore, j’ai constaté peu de fausses notes parmi eux, et j’en viens même à préférer certains personnages secondaires par rapport aux deux principaux. Tout en nuance, tout en ambiguïté, ils définissent ce large univers par leur diversité, leur idéologie et leur appartenance. Pour sûr, les antagonistes inspirés des sept péchés capitaux possèdent leur look de « méchant » typique, mais jamais leurs motivations sont purement manichéennes. Ils défendent leurs valeurs, sont victimes de leurs tentations. Tout devient alors une question de point de vue, et beaucoup de personnages incarnent cette subjectivité propre : Mustang, tiraillé entre son devoir de soldat et son désir de revanche, Scar, partagés entre deux camps d’un conflit qui le dépasse, Olivia, froide, opportuniste et pourtant très intelligente. Citer tous les personnages serait long. D’ordinaire, même dans mes mangas, il existe toujours des personnages que j’apprécie moins, que je trouve insupportable. Ce n’est pas le cas ici : même Winry ne tombe pas dans le cliché de l’amoureuse potiche, même Hughes nous fait sourire avec son optimisme permanent, même Bradley ne s’engouffre pas dans la caricature du méchant tyrannique au rire sardonique. Le moindre personnage est écrit avec finesse et suit le développement qu’il mérite. La notion de progression y est bien établie. Aucun personnage surpuissant, et surtout pas les personnages principaux, qui apprennent de leurs erreurs et acquièrent de la maturité au fil de leurs péripéties.
Outre ses personnages, la principale autre qualité de FMA, selon moi, réside en ses thématiques. Rien n’est laissé au hasard. Le manga possède une morale simple, conçue et interrogée tout du long : « On n’obtient rien sans sacrifice ». C’est l’étendard, le message sous-jacent, derrière la violence d’un monde saccagé, derrière l’ébranlement des convictions de tout un chacun. Tout cela est parsemé de notions de loyauté, de devoir, de la responsabilité des parents, frères ou sœurs, et j’en passe. Un questionnement perpétuel, où l’on effleure des réponses, mais à chaque épaississement du mystère, FMA s’en retrouve plus complet.
Full Metal Alchemist est le Shônen auquel beaucoup ont souhaité croire, et qui a tenu ses promesses. Ils n’offrent aucun combat truffé de Deus Ex Machina sortis de nulle part, aucune niaiserie, aucun flash-back interminable, aucun manichéisme irritant. Juste des personnages attachants, des combats bien menés, des thèmes profonds, et une histoire sensationnelle.
Saidor
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le 14 juin 2017

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