Gantz
7.2
Gantz

Manga de Hiroya Oku (2000)

J'aurais voulu mettre une note plus basse.

Tout part d'une idée très simple reproduite à l'envi sur plusieurs arcs. Les idées les plus simples sont les meilleures aussi longtemps qu'elles ne tendent pas vers le simplisme.


Deux adolescents meurent et se retrouvent immédiatement dans un appartement de Tokyo d'où ils ne peuvent pas sortir. Là, ils retrouvent d'autres tokyoïtes qui eux aussi racontent s'être retrouvés ici suite à une expérience mortelle. Aucun meuble dans la pièce principale ni ailleurs dans l'appartement ; juste une énorme sphère noire pareille à l'imposant monolithe de l'Odyssée de l'espace.


Soudain, une musique émane de la sphère qui s'ouvre pour révéler des armes futuristes, des combinaisons moulantes adaptée à la taille de chaque personne dans la pièce et un écran où figure un objectif les sommant de tuer la cible affichée : un alien.
Perplexes, en venant à suspecter un jeu télévisé d'être derrière ce qui se présente comme une farce sordide, les membres de l'appartement se retrouvent téléportés dans une zone résidentielle de Tokyo. Là, ils constateront qu'ils sont invisibles aux yeux de tous et que, s'ils s'éloignent d'un périmètre de plusieurs centaines de mètres autour de leur zone d'arrivée, un explosif situé dans leur crâne explose.


Au mystère s'agrège très rapidement l'horreur. Les aliens qu'ils se retrouvent à chasser sont redoutables et les équarrissent les uns après les autres. Les survivants parvenant à en venir à bout sont à nouveau téléportés dans l'appartement de la sphère noire, leurs blessures guéries. Les autres restent sur le carreau, souvent victimes d'une mort aussi sanglante qu'atroce.


La mission terminée, les survivants sont libres de quitter l'appartement... jusqu'à ce que Gantz ne les téléporte à nouveau pour les soumettre à une nouvelle chasse.


Quelque part entre la science-fiction, l'horreur et le jeu-vidéo, Gantz est difficile à situer. C'est sanglant, le sexe y est - hélas - particulièrement abondant, on aurait très vite fait de le classifier bêtement dans la catégorie violence-porn et pourtant, c'est bien plus que ça.
Les dessins sont superbes, Oku étant un auteur s'assistant énormément des outils informatiques pour ses planches. Le rendu n'en est pas pour autant synthétique et sans âme mais impressionnant de réalisme. L'hémoglobine déborde tant et si bien qu'on jurerait avoir les doigts humides après avoir parcouru chaque tome. La mort y est abondamment présente, en tout cas, au point de se gausser de ceux qui estiment George Martin courageux pour tuer ses personnages dans ses romans.


Car il est possible de sortir de cet enfer qu'est Gantz. Chaque alien tué rapporte un certain nombre de points, les boss étant ceux qui permettent d'en obtenir le plus. Au bout de cent points, le gantzer est présenté à trois choix : une arme plus puissante, la possibilité de ramener à la vie un ancien gantzer ou s'émanciper de Gantz après s'être fait laver la mémoire.
Session après session, de nouveaux personnages initiés au monde de Gantz nous seront présentés. On finira par s'attacher à eux jusqu'à ce qu'on se résigne à ce constat impitoyable : personne dans Gantz n'est protégé par l'intrigue : n'importe qui peut y passer à tout moment.


D'abord gluantes d'un sang fictif venu les salir, nos mains trembleront ensuite, appréhendant chaque nouvelle victime éventuelle. Les hécatombes ne sont pas rares et l'auteur ne répugne pas à massacrer les personnages les plus appréciés des lecteurs ; ce qui, d'un point de vue éditorial, s'avère assez osé.
Gantz, c'est Battle Royale sous stéroïdes.


On se dirait que le simple principe du jeu se suffirait à lui-même pour créer un enjeu suffisamment haletant et maintenir le lecteur captif, cela n'empêchera pas Oku d'en rajouter une couche. Les gantzers vétérans finissent par développer des affinités entre eux (rendant les adieux plus déchirants encore) mais aussi des inimitiés. Entre Nishii le psychopathe et Izumi, ancien gantzer prêt à tout pour retrouver les frissons passés du jeu macabre, les tirs amis doivent être envisagés.
Aliens devant, camarades retors derrière : il n'y aucune échappatoire. Chaque nouvelle session survenant généralement par surprise prend aux tripes et ébranle un lecteur sorti de sa zone de confort.


Quand Gantz convoque ses ouailles, il est de bon ton de commencer à parier sur qui survivra.


Au bestiaire délirant et inventif des espèces extraterrestres chassées dans diverses rues de Tokyo (puis plus tard, Osaka) s'ajoute l'équipement des gantzers. Une combinaison renforçant les capacités physiques (incontournable pour la survie), un fusil de précision, une arme de point non létale, un sabre capable de s'étendre sur des dizaines de mètres... tout cela ne constitue qu'un avant-goût de ce que recèle Gantz pour ceux qui termineraient le jeu plusieurs fois et qui obtiendraient des armes plus puissantes encore. L'arc Osaka se veut la consécration de l'œuvre. La violence, le désespoir, le tout imprégné d'une atmosphère glauque, sombre et cynique, il y a là de quoi ravir les amateurs du genre. Rarement l'action a été maniée avant tant de brio dans une fiction. En tout cas pas sur le long terme.


Mais Gantz a ses mauvais côtés. Car entre chaque session de chasse angoissante, les protagonistes - en tout cas, ceux qui survivent assez longtemps - nous offrent quelques tranches de vie quotidienne, loin du tumulte et du chaos de la sphère noire. Les affinités se créent en dehors de l'appartement vide et, si développer les personnages récurrents s'avère être un point positif incontestable... certains personnages grossiront comme des tumeurs cancéreuses nocives pour le manga.


Je pense à Tae-chan. Rien qu'écrire son nom me provoque des souvenirs du vietnam. Et le plus dingue, c'est que je n'ai jamais été plus loin que la Belgique. C'est vous dire à quel point elle m'a traumatisé.
Représentez-vous l'archétype de la demoiselle en détresse incapable de se débrouiller seule. Mettez le tout à puissance dix. Vous êtes encore en dessous de la réalité. Gantz relève du registre de l'horreur et de l'angoisse mais aussi de l'action. Alors... à tous les auteurs de fiction reposant sur une action débordante et omniprésente...ON NE MET PAS DE GONZESSE INUTILE POUR AJOUTER UNE ROMANCE DONT TOUT LE MONDE SE FOUT ! Tae-chan est sans doute l'un des pires choix éditoriaux jamais entrepris. J'ignore s'il était question par là de s'attirer un public féminin abonné aux romans à l'eau de rose (bonne chance), mais le rendu fut un raté conséquent.


Il y a du cul disais-je. C'est amené de manière impromptue, immature, gratuite et obscène. On pardonne, parce que Gantz est tout de même un monument à la gratuité dans la glauque, aussi bien pour le meilleur que pour le pire... mais je vous assure que ça lasse. Une pin-up en chaque début de chapitre, ça donne le ton. Après tout, il n'y a pas de mal à verser dans le registre beauf pour mâle bêta. Mais, sans être prude, j'estime qu'il y a quand même des limites à respecter qui sont largement outrepassées. La relation malsaine qui lie Kurono et Kishimoto m'a amené à retrousser le nez plus d'une fois.


Puis, Gantz souffre non pas de ne pas avoir d'intrigue conséquente, mais d'essayer de s'en doter d'une à la toute fin. Soyons francs, honnêtes et même brusques : Oku n'est clairement pas fait pour écrire des scénarios de plus de cinq lignes.


On se souvient de l'introduction des vampires qu'il abandonnera finalement sans trop savoir à quoi cela a servi...


Alors... plutôt que de terminer Gantz sur un suspense, sur un personnage qui quitterait le jeu pour aller de l'avant sans se soucier de ce qui surviendra par la suite, Oku commet l'erreur prévisible et rédhibitoire consistant à expliquer les origines de Gantz. Certains mystères méritent de demeurer irrésolus. Celui-ci en particulier. Expliquer le pourquoi de Gantz, c'est rationaliser le fantastique, c'est nous dire que la Force s'explique par les médichloriens : c'est une erreur grotesque.


L'arc final est un merdier gênant et très long trahissant toutes les promesses de Gantz. On commence avec du Battle Royale et on se termine avec du Independance Day. La chute est brutale et on ne s'en relève pas. Ça se prolonge, l'enjeu n'a aucun intérêt, l'angoisse est laissée de côté et puis.... bien évidemment, Tae-chan se retrouve au centre de ce chaos informe. Quitte à décevoir son lectorat, autant ne pas lésiner sur les moyens.


On sent qu'Oku ne savait pas comment terminer et on clôture le tout avec une explication pseudo-philosophique digne des deux derniers épisodes de NGE ponctué d'un dénouement heureux où les plus gentils retrouvent ceux qu'ils aiment dans la mièvrerie la plus absolue. Gantz aura été trahi jusque dans ses moindres détails au cours de cet arc final désastreux.


Faudrait que les maisons d'édition de mangas pensent à créer des séminaires «Comment clôturer son œuvre sans foirer et sans céder au besoin compulsif de créer du cataclysme de nulle part en croyant que cela serait original et bienvenu». Ça urge. Parce que ce travers se retrouve quasiment dans tout manga - Shônen et Seinen confondus - où l'action est prédominante et se termine dans un déluge de conneries agitées dignes d'un film Marvel. Et sous ma plume... ce constat ne se veut pas être un compliment. Croyez-moi sur parole.

Josselin-B
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le 24 nov. 2019

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Josselin Bigaut

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