Il y a des trucs, comme ça, on les aime. Ils ont des défauts – un tas, ne soyons pas chiches sur la réserve – mais voilà, quand on en a fini avec eux, on a du bien à en dire, ou alors, juste rien, un sentiment tout chaud comme un ronronnement.
Genkaku Picasso a des défauts. Il y a plein de parties de sa narration qui me laissent dubitative, je trouve pas mal de situations totalement improbables, par exemple, et puis, bon, j’ai toujours un peu de mal avec certaines mises en scènes des sentiments dans les mangas, mais qu’importe tout cela ! Genkaku Picasso, c’est le bien.
Donc voilà, ce manga de Furuya Usamaru raconte les aventures d’un lycéen désirant être artiste – appelons-le Picasso, comme tout le monde, je crains avoir oublié son vrai nom – qui survit à un accident. La jeune fille avec laquelle il se trouvait, Chiaka est décédée et revient à lui sous la forme d’un ange ou d’une fée pour lui dire qu’il doit faire le bien autour de lui, ce qu’il peut faire, il le découvre assez vite, en dessinant le cœur des autres et en tentant à travers ses dessins de manipuler les problèmes dont ils souffrent.
Il s’agit donc d’un récit fantastique, dans tous les sens du terme. On quitte le rationnel quand Picasso prend crayon (« Stretchbook! B2! ») et d’un coup ça devient totalement génial.
Parce la mise en scène des cœurs des gens est absolument intéressante et bien amenée et tout ce qu’on veut. Mention spéciale aux éclats de verre et au paysage perdu dans le mécanisme de l’horloge. Rien qu’à les mentionner, j’ai envie de prendre le livre et de le relire.
Picasso se retrouve donc à régler les problèmes de gens de son entourage à leur insu tout en se rapprochant plus ou moins d’eux. Ces gens, ce sont des étudiants typés, c’est assumé, mais leurs problèmes sont « réels » (d’autant plus réels que les résoudre n’apporte pas pour autant le bonheur total), on y croit, et même si le moment où, d’un coup, chacun s’ouvre pour les assumer et les résoudre m’a souvent semblé improbable, le raisonnement et les découvertes par les dessins m’ont eux semblés très justes – et très beaux, je me répète sans doute, mais les dessins sont magnifiques tant dans l’esthétique que dans la symbolique.
La question dans ce manga n’est pas celle de la vie et de la mort, ce n’est pas non plus le Pouvoir Tout-Puissant de l’Art, au contraire, les dessins seuls se montrent à chaque fois impuissants ; il ne s’agit pas non plus d’un simple aventure fantastique avec des dessins d’un style inhabituel pour rythme le tout. On est dans un récit sur les autres, sur soi et les autres. On parle d’acceptation sans rabattre les vieux clichés moralesques, avec une légèreté très agréable, « une histoire, juste une histoire ». La fin s’en retrouve prévisible, mais pas de ce prévisible pénible des intrigues trop mal menée, plutôt de cette évidence qui a un goût de fermer les yeux le soir.
C’est donc un manga d’une certaine manière assez inégal, où les problèmes sont mieux traités que les solutions, mais les points positifs ont nettement plus de poids que les points négatifs sur ma balance. Quelques centaines de pages à avoir. Ne serait-ce que pour les dessins de la montre de Picasso.