Get Backers
5.9
Get Backers

Manga de Yūya Aoki et Rando Ayamine (1999)

Efficaces ces Get-Backers. Ils vont même par-delà vos espérances les plus folles et surtout les plus vaines. Efficaces, ils l'auront été tant et si bien qu'il m'ont rapporté (Get Back, comprenez la subtile métaphore filée) le script lambda du Shônen dépourvu d'imagination en rendant leur copie. L'inconvénient - et ce n'est pas le seul - étant que je n'ai pas formulé la moindre requête en ce sens. Mais que voulez-vous, quand on s'attarde sur un Shônen, fut-il contemporain ou vieux de presque vingt ans, on obtient rarement ce que l'on souhaite. De là à ne jamais avoir ce que l'on veut....


Le concept était là. Enfin... plutôt le titre du concept. Les Get-Backers, ceux qui rapportent ce qui n'est plus en la possession de leurs clients. L'idée n'est pas mauvaise. Pas si l'on s'en tient à ce qu'elle implique plutôt qu'à son simple présupposé. Car devinez quoi vous qui, comme moi, avez espéré votre lot d'enquêtes scrupuleuses ; vous allez bouffer le City Hunter du pauvre. À peu de choses près que Ryo Saeba avait eu le bon sens d'advenir plus d'une décennie auparavant, à une époque qu'il aura su faire sienne car il en avait été le pionnier. Qui retiendra Get Backers ? Moi peut-être, pour le temps qu'ils m'ont fait perdre à les lire. Un temps qu'ils ne me rapporteront certainement pas.
Vous aimez les histoires adolescentes mal ficelées ? Moi non plus. Saupoudrez-les maintenant de pouvoirs magiques particulièrement bancals et mal justifiés au milieu d'une trame où deux.... sacripans - pour ne pas dire merdeux - s'en iront jouter avec les Yakuzas du coin afin de sauver en boucle la demoiselle en détresse - quand ça ne sera pas la veuve et l'orphelin.
J'ai le sentiment en lisant ceci, ou plutôt, en relisant ceci, car ce récit, j'en ai déjà été gavé plus d'une fois, que le mangaka-Shônen-moyen a en tête comme un barrage cognitif qui l'empêche de dévier vers toute forme d'originalité. À croire que ce sont pas les Shônens qu'on usine en série, mais plutôt leurs auteurs.


Aurais-je une mission à confier à nos deux lascars dont, vous vous en doutez, la personnalité est inscrite sur leur gueule, que je leur demanderais de nous retrouver l'intrigue. La requête serait bien évidemment sadique car, pour retrouver quelque chose, il faut que ledit quelque chose ait pris la peine d'exister en premier lieu. Le Get-Backer dans l'affaire, c'est moi. C'est moi qui vous retrouve les pires créations Shônens sans même que vous n'ayez eu à en exprimer la demande. Non, effectivement, je n'affronte pas les Yakuzas génériques de mon quartier - peu nombreux pour tout vous dire - mais, toutes choses considérées, je me demande si je ne préférerais pas.


Les esprits chagrins ou, en tout cas, les esprits les plus déliés, commenceront à chercher à établir un rapport entre le fait de rapporter quelque chose et le sauvetage de demoiselle en détresse. Certains iront jusqu'à calculer la corrélation entre les deux événements. Qu'ils ne se donnent pas cette peine ; il n'y a aucun rapport entre le postulat et ce qui suivra. Get-Backer, c'est Naruto qui oublie d'être ninja ou Luffy qui n'est plus pirate. Attendez une minute... c'est effectivement le cas. Ah bah oui ; Get-Backer, c'est un Shônen de plus qui se trouve un menu prétexte pour exister et qui, dès lors où il aura surgi du néant dont il est encore imprégné, oubliera jusqu'à l'origine même de son existence avant de copier ce qui a pu se faire avant lui sans jamais chercher à s'en démarquer. Un Get-Backer est un homme qui rapporte quelque chose à un client me direz-vous. Enfant naïf que vous êtes ; un Get-Backer c'est un type qui casse la gueule à tout le monde comme le ferait un héros de Shônen pétris de tous les stéréotypes du genre.... mais en se faisant appeler Get-Backer. Vous comprenez ? Oui, vous comprenez. Vous comprenez que ce que je vous rapporte (toujours dans la métaphore, vous noterez), n'est pas digne d'être récupéré d'autant que ça a déjà été recyclé cent fois avant de nous parvenir.

Le concept même de «Get-Backer» se veut en principe central au point de justifier le titre de l'œuvre pour n'être finalement exploité que bien piteusement. Taper la gueule à des méchants, je connais. Je ne connais que trop. Autre chose eut été préférable quand bien même cela aura été n'importe quoi.


Chaque mission, bien entendu, doit découler sur de la baston. Démentielle la baston ; la démesure de puissance sera ici - comme ailleurs dans le Shônen - le seul horizon narratif auquel pourra souscrire ses auteurs. Les années passantes - car ça aura tenu des années - on ne s'embarrassera d'ailleurs plus à formuler des missions ; des gueules seront fracassées car la frénésie du Shônen habituel le commande. Au nom du bien, toujours. Car on peut-être apprenti génocidaire et avoir les meilleures intentions du monde. Les antagonistes, sans exception, seront heureusement dépourvus de toute forme de nuance quant à leur caractère et leurs intentions pour que chaque mandale qu'ils amortiront avec leurs gencives ne paraissent justifiées pour le lecteur.
J'en entends, trop souvent, qui nous bassinent avec les stéréotypes de genre. Qu'en est-il des stéréotypes de rôles ? Ceux qui cantonnent les personnages de manga à des cases très définies au point où ils feront exactement ce que l'on attend d'eux - et non pas ce qu'on espère - au point de nous les rendre insipides. Ce qu'ils sont au demeurant. Y'a les gentils, y'a les méchants, y'a une rencontre et une faction gagne à la fin.


Les gentils. Parce qu'ils sont plus nobles et plus purs.


Les personnages ? Quels personnages ? Monsieur classouille à lunettes noires et ses «One-liners» sur les rêves ? Le blondinet candide qui lui donne le change pour mieux le mettre en valeur ? La pléthore de personnages secondaire aux airs de tragiques faussement tourmentés ? Et puis les passés ténébreux ; important, ça, les passés ténébreux. Que tout cela est... adolescent. Et moi mes bons seigneurs, je ne m'appelle pas Polanski, alors l'adolescence, surtout quand elle est aussi niaise, croyez-bien que je m'en détourne.


La postérité, ou plutôt son absence, aura valu à Get Backers de sombrer dans son indignité jusqu'à s'effacer de la vue et de la mémoire du plus grand nombre. C'est pour le mieux. Certaines œuvres disparaissent honteusement des esprits là où d'autres bénéficient, non pas d'un droit, mais d'un devoir à l'oubli. Comme un secret honteux qui ne gagnerait à ne plus être connu de personne. Là est la vocation de Get Backers, là était même sa destinée première. Cette œuvre perdue, de grâce, que personne ne nous la ramène.


PS : Je voulais tenter de placer une référence à Stardust Crusaders en mentionnant la chanson de fin jouée sur le walkman de Joseph et qui s'intitulait Get Back, mais je n'y suis pas parvenu. C'est peut-être mon deuxième plus grand regret à l'issue de cette critique, le premier étant bien évidemment d'avoir lu Get Backers.

Josselin-B
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le 12 déc. 2020

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Josselin Bigaut

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