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Hedra
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Hedra

Comics de Jesse Lonergan et Jesse Lonergan (2020)

Les étoiles terre à terre

A la recherche d’une solution pouvant sauver une planète Terre dévastée par l’apocalypse nucléaire (premières pages incroyables), une astronaute s’aventure dans l’espace pour croiser la route d’une entité cosmique qui pourrait bien lui apporter la solution…


Selon que l’on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide, HEDRA de Jesse Lonergan va forcément plaire ou déplaire pas mal.


Ce court roman graphique (et c’est déjà un problème comme on va le voir très vite) se propose de narrer une aventure cosmique et mystique au-delà des étoiles en ne se servant pratiquement que de sa mise en scène ultra travaillée pour servir une expérience quasi sensitive au lecteur. Une noble ambition fort louable, rien à redire là-dessus. Lonergan s’inscrirait dans le prolongement d’artistes ayant expérimenté avec brio pour raconter une histoire le plus souvent par le graphisme je dirais.


Mais si on regarde bien du côté des prédécesseurs, il y a souvent également la volonté d’inscrire un scénario travaillé qui s’inscrirait, s’imbriquerait même, dans l’implication graphique. Qu’on aime ou pas des artistes comme Marc-Antoine Mathieu ou Andreas (je me situe dans la première catégorie perso), ils ont toujours adroitement pensé la forme avec le fond et vice-versa. Obtenant même la touche d’émotion inédite et nécessaire quand ils le pouvaient (je pense à certains tomes de la saga « Capricorne » de Andreas qui touchent véritablement à la grâce).


Certes, le travail des compositions en cases de Lonergan est assez fabuleux par moments (l’idée de suivre des trajectoires des deux personnages sur une pleine page voire double page) mais la lecture finie et l’album reposé, que nous reste-t-il ? Eh bien pas grand-chose malheureusement. Car comme je l’ai écrit plus tôt, l’album est court. Trop court en regard d’un récit qui ne prend jamais le temps de poser d’enjeux suffisants ni même de les exploiter en détail. Ce que l’auteur pose, il ne s’y attarde jamais vraiment et c’est un comble pour faire tenir son récit autrement que par les cases. Par exemple, notre astronaute qui s’envole vers les étoiles dès le début et croise une sorte de super-héros qui flotte dans le vide spatial, les vaisseaux, les trajectoires comme des vecteurs, les corps, les regards se croisent, c’est magique, ça nous emporte. Cela nous emmène loin, sur une planète déserte. Où chacun se pose chacun de son côté pour explorer et possiblement se retrouver. On est à ce moment à la première moitié du récit, accrochés.


Et c’est tout.


Parce que toute la seconde partie jusqu’à la fin va se délitter du coup dans une fuite en avant qui n’apporte rien. Ce que l’auteur survole, il n’ira jamais jusqu’au bout. Ces immenses structures de roche qu’on croirait des visages ? Bof. Ce château en ruine aperçu sur une petite île par l’astronaute ? Nada. La possibilité pour Hedra (car on suppose qu’il s’agit de son nom à lui qui donne son nom au récit à moins que ce ne soit le processus final ? Bon, même ça on reste dans le néant) de changer de taille ? Un détail. La solution finale ? C'est trop rapide. A force de multiplier les chausse-trappes, le récit donne l’impression d’une avancée improvisée à chaque fois, juste parce que l’agencement des cases de lecture rendrait bien. Et au final c’est dommage.


Ce qui est sa force est constamment dans le même temps sa faiblesse.

Prenons le fait qu’il n’y a aucun dialogue écrit tout le temps et que tout se déroule via la fonction de l’image dessinée. C’est ingénieux et inventif. Mais quand on arrive à la dernière page on reste dubitatif. Là aussi à titre de légère comparaison avec ce qui a précédé comme exemple graphique si on prend le tome 12 de Capricorne (sorti en 2007, 13 ans avant HEDRA donc !) qui n’a également aucune parole ni même de titre tout le long (l’auteur prend même le pari radical de faire une couverture…. Blanche et vide comme le néant ! Pas d’illustration, pas de titre ! Fallait oser.), aucun dialogue tout le long, rien.


Mais une histoire qui s’impose clairement, par une mise en page certes plus classique dans la forme (alors accrochez vous toutefois parce que le tome 13 de Capricorne juste après, Andreas joue avec toutes les cases du récit constamment tout comme HEDRA mais s’en tire justement un peu mieux que Jesse Lonergan à nouveau) mais qui a le mérite de créer un cheminement de lecture, une compréhension des enjeux et même un travail de l’émotion par sa disposition, les couleurs (le blanc incessant renvoie à l’isolement et à la solitude et ça tombe bien puisque c’est l’un des thèmes de cet album d’Andreas qui fait ici quelque part son Tintin au Tibet – vous aurez compris)… Même le graphisme change subtilement là où HEDRA n’évolue jamais dans ses recherches graphiques.


Et peut-être au final le problème il est là en conclusion, quand en tant que lecteur on s’aperçoit que la lecture n’a pas évolué avec nous, qu’au-delà du fait qu’elle ne nous a rien apporté, elle n’a elle-même pas vraiment changé : Hedra s’envole vers les étoiles pour finir par faire du surplace.


Nio_Lynes
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Créée

le 9 nov. 2025

Critique lue 17 fois

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